Expulsion des gens du voyage: une urgence humanitaire
Les directeurs d'Unia, Els Keytsman et Patrick Charlier, veulent attirer l’attention sur la situation lancinante vécue par les gens du voyage bruxellois. Voici leur carte blanche.
Lorsque les familles qui résidaient en caravane sur un terrain privé situé le long de la rue Dante, à Anderlecht, ont été enjointes d’évacuer les lieux par ordre du bourgmestre, aucune solution de rechange ne leur a été proposée. Personne ne se souciait d’où elles pourraient bien aller s’installer, même provisoirement, avec un minimum de sécurité juridique. Ces familles non plus ne le savent pas. Elles sont condamnées à errer d’un stationnement sauvage à l’autre, d’où elles seront chaque fois chassées de façon plus ou moins formelle par les services de police – alors qu’il s’agit de familles bruxelloises, historiquement ancrées dans la région. Anderlecht n’est pas la seule commune qui semble vouloir se décharger de toute responsabilité face aux besoins des gens du voyage, comme si l’on pouvait dénier aux gens du voyage d’une région, le droit d’être aussi d’une commune de cette région.
La probabilité que ces familles trouvent par elles-mêmes une issue à leur errance imposée est en fait extrêmement faible : les terrains privés où le séjour des gens du voyage est toléré, à défaut d’être régularisable légalement, se font de plus en plus rares. Et quant au seul terrain public situé à Haren, il fermerait ses portes à la fin de ce mois de juin sans qu’il n’existe, à l’heure actuelle, de projet de réouverture.
La situation est non seulement dramatique pour les gens du voyage bruxellois, elle est aussi un échec paradoxal pour la Région de Bruxelles-Capitale : alors même que le Code bruxellois du Logement reconnaît le droit à l’habitat mobile, alors que deux ministres du gouvernement bruxellois ont initié une commission régionale pour l’habitat mobile, alors que le gouvernement met des moyens à disposition des communes bruxelloises pour l’aménagement de terrains, la situation effective des gens du voyage bruxellois n’a fait qu’empirer, pour atteindre, aujourd’hui, le stade de la précarité totale.
Une part significative de l’explication de cet échec nous semble résider dans l’absence de volonté des communes de s’engager dans l’aménagement de terrains, même petits, même avec le soutien de la région. La politique régionale consistant à proposer aux communes un soutien financier et méthodologique pour l’aménagement et la gestion de terrains pouvant accueillir des gens du voyage est aujourd’hui en échec.
Il est dès lors urgent que la Région réoriente fondamentalement cette politique, soit en obligeant les communes bruxelloises à ouvrir chacune des terrains, soit en prenant directement en charge l’aménagement et la gestion de terrains « régionaux ».
Les travaux de la commission ont montré que la priorité devait être donnée actuellement à de petits terrains destinés à un usage résidentiel, impliquant une gestion assez légère, une fois que les résidents sont installés, et un impact minimal pour le voisinage. La première option n’entrainerait donc pas de charge excessive pour les communes, surtout si la Région continue d’assurer un soutien à leur aménagement et à leur gestion, mais remodulé selon cette nouvelle politique. (Notons qu’en France, toute municipalité de plus de 5.000 habitants est tenue d’aménager un terrain d’accueil pour les gens du voyage.)
En ce qui concerne la seconde option, la Région dispose a fortiori de moyens pour les aménager et pour les gérer, en ce compris des outils institutionnels de gestion qui pourraient être adaptés à cette nouvelle fonction (Fonds du logement, Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale, agences immobilières sociales,…).
Les deux options pourraient d’ailleurs aussi être combinées : de petits terrains résidentiels gérés par les communes, par exemple, et de plus grands, éventuellement avec une fonction de transit, par un organisme régional.
La problématique des terrains pour les gens du voyage est une problématique régionale, qui ne trouvera de solution qu’au niveau régional. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement et au parlement bruxellois d’utiliser toutes leurs prérogatives pour résoudre la carence de terrains pouvant accueillir de l’habitat mobile en région bruxelloise – d’abord dans l’urgence, pour les gens du voyage de la rue Dante, et ensuite structurellement, pour tous les gens du voyage bruxellois.
Els Keysman, Patrick Charlier.
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