L’internement en Belgique, un pass vers la prison ou vers des soins ?

11 Décembre 2023
Domaine d'action: Police et justice
Critère de discrimination: HandicapAutres critères

Dans la foulée de la journée internationale des personnes handicapées et de celle des droits humains, Unia dresse un état des lieux du parcours de l'internement en Belgique dans un rapport qui en montre la complexité, étape par étape. Entre 2021 et 2023, 200 entretiens ont été menés auprès de personnes internées, de leurs proches et de professionnel·le·s du secteur avec, en filigrane, l’enjeu, les leviers et les obstacles de la réinsertion des personnes internées dans notre société.

Les troubles psychiques : une situation de handicap

En Belgique, plus de 4.000 personnes ont été déclarées irresponsables de leurs actes en raison d’un trouble psychique qui a altéré le contrôle de leurs actes. C’est encore trop souvent méconnu, mais les personnes avec des troubles psychiques, parmi lesquelles les personnes internées, sont bien en situation de handicap. À ce titre, elles sont protégées par la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées.

Le parcours d’internement : un trajet de soins sinueux

Ces personnes sont ainsi écartées du système pénal classique, mais leur internement est prononcé pour une durée illimitée. Leurs témoignages révèlent combien cette absence de perspective est décourageante et angoissante.

Près de 900 d’entre elles séjournent dans les établissements pénitentiaires. Or, si l’engagement des professionnel·le·s est réel et mérite d’être souligné, ces derniers témoignent combien il est ardu de permettre à chaque personne internée de séjourner dans un endroit adapté à ses besoins, notamment en termes de soins et de réinsertion.

Cinq principaux défis à relever, dans l’urgence, en matière d’internement

Malgré plusieurs condamnations par la Cour européenne des  Droits de l’Homme (CEDH) en raison de cette situation, la Belgique ne satisfait pas encore aux attentes de l’Europe.

Dans son rapport, Unia formule une soixantaine de recommandations aux autorités afin de faire valoir les droits des personnes internées tout au long de leur trajet de soins et de favoriser leur réinsertion dans la société. Elles se concentrent principalement autour de 5 grands défis :

  • Garantir la qualité de l’expertise psychiatrique médico-légale en valorisant la formation et la profession ainsi qu’en mettant en place un comité chargé de contrôler la qualité des rapports et l’interprétation uniforme des critères légaux de l'internement.
  • Interdire la prison comme lieu de séjour.
  • Donner à chaque personne internée accès à un trajet de soins qui soit adapté à ses besoins, notamment en ce qui concerne le lieu de séjour.
  • Limiter dans le temps la mesure du placement, en soi privative de liberté.
  • Permettre aux personnes sans titre de séjour d’accéder à la libération à l’essai dans les mêmes conditions que les autres personnes internées.

Dans un État de droit, la priorité doit être donnée à l’effectivité des droits humains

Les solutions seront plurielles, mais ne pourront en aucun cas s’ancrer dans une approche purement sécuritaire. Notre État de droit démocratique se doit d’abord de repenser l’affectation des moyens vers une pleine et entière effectivité des droits humains au sens large : accès à la santé, accès au logement, accès à la justice.

Unia appelle à revenir au bien-être des citoyen.ne·s dans leur globalité en tenant compte des principes d’autonomie, de participation et d’inclusion.

Peut-être alors les personnes internées pourront-elles se réinsérer dans une société responsable.  

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