Tribunal correctionnel de Bruxelles (francophone), 15 juillet 1996
Le salut hitlérien effectué pendant la prestation de serment lors de l'installation d'un conseil communal est lourdement symbolique et chargé de sens et évoque immanquablement l'idéologie fasciste et nazie.
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Qualification juridique
Le ministère public avait poursuivi les prévenus pour:
- Incitation à la discrimination, à la ségrégation, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres (article 1, 2° loi antiracisme 1981 – actuellement article 250, 3°-4° Code pénal).
- Donner une publicité à son intention de pratiquer une discrimination raciale (article 1, 3° et 4° loi antiracisme 1981).
Décision
Le salut hitlérien effectué pendant la prestation de serment lors de l'installation d'un conseil communal est lourdement symbolique et chargé de sens et évoque immanquablement l'idéologie fasciste et nazie qui, sur base de considérations essentiellement racistes, mena au génocide que connut l'Europe au cours des années 1930 et 1940.
Si, comme le plaide la prévenue, aucune disposition légale ne réglemente la manière de prêter serment, il apparaît bien que la référence explicite et volontaire à l'idéologie fasciste qui a prôné la suprématie d'une race par rapport à d'autres et a poursuivi l'extermination desdites races implique en soi l'incitation à la haine, la discrimination, la violence ou la ségrégation, qui est sanctionnée par la loi du 30 juillet 1981 modifiée et élargie par la loi du 12 avril 1994.
En outre, le discours tenu à cette occasion et dans lequel il est question de ces "élus qui ne nous ressemblent pas... " constitue lui aussi pour le tribunal une incitation à la haine et à la discrimination: "Il apparaît que cette phrase, replacée dans son contexte, ne peut s'analyser, comme le plaide la prévenue, en un simple constat de différence (...); qu'introduite par le terme 'hélas', elle a nécessairement une connotation de regret concernant l'élection de Belges d'origine étrangère; que le discours de la prévenue utilise une référence animalière pour désigner les immigrés (...). Les termes utilisés pour désigner les immigrés contribuent à donner aux propos exprimés un caractère volontairement haineux et méprisant à leur égard et incitent à la discrimination d'un groupe déterminé de personnes sur base de leur origine, attendu que n'est pas requise, pour que cette incitation soit punissable, la volonté manifeste d'amener un public ou tel individu à commettre des actes concrets, déterminés ou déterminables."