Avis juridique remis aux responsables des piscines publiques en Wallonie sur le port du maillot de bain intégral (2022)
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Peut-on interdire le port du maillot de bain couvrant le corps (combinaison intégrale) dans une piscine publique ? Cette question a été posée à Unia par plusieurs villes et communes, ainsi que par des nageuses. Pour y répondre, Unia a interrogé différents organismes. Sur la base de leurs arguments, Unia ne voit aucune raison valable de restreindre la liberté de choisir une combinaison de bain intégrale (autrement appelée burkini). Unia en déduit qu’en l’absence de fondement juridique, cette interdiction est contraire à la législation antidiscrimination. Unia a publié un premier avis en 2017. Vous trouvez notre avis mis à jour en 2022 sur cette page.
Sur la base d'une analyse Unia constate que les arguments invoqués par certaines villes, communes et exploitants pour justifier une interdiction du port du maillot de bain intégral ne résistent pas à une analyse au regard de la législation antidiscrimination. Cette analyse consiste à évaluer la légitimité des finalités sous-jacentes à la mesure d’interdiction, en fonction de chacun des arguments avancés, et le caractère approprié et nécessaire de la mesure au regard de ces buts. Si plusieurs des arguments s’appuient sur des finalités légitimes, telles que la sécurité ou l’hygiène, il s’avère que la mesure d’interdiction du maillot de bain intégral n’apparait dans aucun cas comme une mesure appropriée et nécessaire au regard de ces buts.
Une zone d’incertitude subsiste concernant la question de la sécurité, en lien avec le temps nécessaire au sauvetage d’une personne portant un maillot de bain intégral, au cas où il faudrait utiliser un défibrillateur pour réanimer cette personne. Les tests réalisés à ce jour pour objectiver la durée en question ayant donné des résultats variables, Unia préconise soit de préciser le type de maillot de bain intégral autorisé – uniquement ceux avec ouverture zippée à l’avant – soit la conduite de tests avec le soutien d’un organisme certifié au cas afin d’objectiver le risque. Une interdiction des maillots non conformes ne pourrait être justifiée que si elle se base sur des tests qui concluent à un risque réel en matière de sécurité.
Pour toutes les autres raisons invoquées, Unia conclut qu’une interdiction générale (explicite ou implicite27) du port du maillot de bain intégral dans la piscine peut aussi bien léser les femmes musulmanes qui portent un tel maillot par conviction religieuse que d’autres personnes qui le font pour d’autres raisons (comme leur état de santé, une caractéristique physique ou un handicap). Dès lors, selon l’analyse juridique qui a été menée, une interdiction générale du maillot de bain intégral constitue une forme de discrimination.
En outre, sur un plan davantage philosophique, l’autorisation du port du maillot de bain intégral est conforme au positionnement visant la promotion d’une société la plus inclusive possible, tel que soutenu par Unia. De cette vision découle notamment le principe de participation inclusive, qui implique un modèle de société où la diversité se construit dans des espaces communs, partagés et respectueux de chacun.
Concrètement, en lien avec la question centrale de cette recommandation, il ressort des témoignages et signalements reçus par Unia que les femmes issues de milieux musulmans souhaitent nager pendant les heures d’ouverture « normales » des piscines, non seulement parce que la natation est bénéfique à leur santé et à leur aptitude à la nage, mais aussi parce que leur intégration dans la société s’en trouve ainsi favorisée ; de plus, cela leur donne des possibilités d’accès plus larges, les heures réservées aux femmes étant peu nombreuses et souvent rassemblées sur une seule journée fixe en semaine. L’autorisation du maillot de bain intégral permet à ces femmes de pratiquer la natation pendant les heures d’ouverture normales des piscines. Les mères peuvent ainsi prendre part aux activités de natation de leurs enfants, de sorte que ces derniers puissent se confronter à l’eau et suivre des cours de natation dès leur plus jeune âge, avec leurs condisciples. Tant les femmes concernées que leurs enfants ont ainsi l’opportunité d’acquérir et d’entretenir une aptitude vitale, et de s’adonner à une forme positive de loisirs, non pas dans le cadre d’activités ségréguées, mais dans les mêmes conditions que n’importe quelle autre famille, quelles que soient leurs convictions.
En conclusion, l’analyse juridique comme les considérations philosophiques nous amènent à réitérer l’importance de faire prévaloir le principe de la liberté individuelle. Dans un état de droit et en vue de bâtir une société inclusive, les restrictions aux droits individuels et collectifs doivent à tout prix rester l’exception et ne s’appliquer que si elles respectent les principes de légalité, nécessité et proportionnalité.
* La médiatrice chargée des questions de genre réalise un travail de sensibilisation au départ de la Genderkamer. Elle traite les plaintes pour discrimination, émet des avis et des recommandations et en témoigne dans le rapport annuel du Service de Médiation flamand. L’Agence est une institution publique flamande qui a pour mission de créer les conditions adéquates pour favoriser, préserver ou restaurer le bien-être et la santé de la population flamande actuelle et à venir en vue d’atteindre un niveau de bien-être et de santé optimal du citoyen, voir https://www.zorg-en-gezondheid.be pour de plus amples informations (en néerlandais).
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