[Opinion] Sauver la scan car à tout prix à Bruxelles?
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Par la nouvelle ordonnance stationnement entrée en vigueur le 8 juillet 2023, le législateur bruxellois a mis à mal les droits des personnes en situation de handicap au profit du contrôle automatisé du stationnement. Unia exprime ses réserves au travers d'une carte blanche.
Imaginez : vous partez faire une course en ville. Vous trouvez une place de parking pas trop loin de votre destination, avenue Louise. Tant mieux, car vous êtes en situation de handicap, et il est indispensable pour vous de stationner tout près de votre destination. Vous apposez votre carte « personne handicapée » derrière votre pare-brise, afin de bénéficier de la gratuité du stationnement. Sauf que… ce n’est plus si simple depuis l’avènement des scan cars, qui ne détectent pas cette carte.
Pour éviter de payer la redevance, vous devez vous être pré-enregistré. Avez-vous vérifié avant de partir dans quelle commune vous étiez susceptible de stationner ? Parce que les modalités d’enregistrement diffèrent si le stationnement est géré par Parking.brussels ou la commune elle-même... Est-il possible de s’enregistrer sur place via un horodateur ? Ou uniquement en ligne ? Ou bien via une application sur votre smartphone ? Quel stress ! Vous ne savez pas trop dans quelle commune vous êtes stationné. Vous vous êtes garé sur la 1e place que vous avez trouvée dans le coin. Et en plus, vous n’êtes pas très à l’aise avec toute cette technologie. Ouf, si jamais la scan car passe, vous pourrez toujours demander l’annulation de la redevance. Ah non, ça, c’était avant ! Désormais, le pré-enregistrement est obligatoire !
Cette situation, les personnes en situation de handicap la vivent chaque jour à Bruxelles depuis le 8 juillet. Date à laquelle une nouvelle ordonnance stationnement est entrée en vigueur.
L’affaire remonte au 2 mai 2022, lorsque le président du Tribunal de première instance de Bruxelles a estimé que le système de contrôle automatisé de stationnement à l’aide de véhicules scanneurs tel que mis en place par l’Agence régionale du stationnement, Parking.brussels, induisait une discrimination indirecte sur la base du handicap. Il exige en effet des démarches supplémentaires pour les personnes en situation de handicap, qui ne sont prévues par la législation. Le juge a ordonné de faire cesser cette discrimination.
Une victoire juridique pour les personnes en situation de handicap rapidement contrecarrée par le politique
Unia et le CAWaB étaient parties au procès et se sont réjouis que la justice rappelle à Parking.brussels qu’elle n’était pas autorisée à porter atteinte aux droits acquis des personnes handicapées.
Toutefois, la joie a été de courte durée : le parlement bruxellois s’est entre-temps saisi de la problématique. Profitant de la révision en cours de l’ordonnance de stationnement, les parlementaires de la majorité ont décidé d’introduire un amendement imposant aux personnes handicapées un enregistrement digital pour pouvoir bénéficier de la gratuité du stationnement.
En conséquence, depuis le 8 juillet, apposer sa carte de stationnement ne suffit donc plus pour bénéficier du stationnement gratuit dans la majorité des communes bruxelloises. Les personnes en situation de handicap doivent obligatoirement accomplir des démarches supplémentaires, démarches qu’un juge avait estimé illégales 1 an plus tôt !
Unia s’inquiète d’un choix politique qui complexifie inutilement la vie des personnes en situation de handicap
Loin de vouloir simplifier la vie des personnes en situation de handicap, le législateur ne s’est pas caché d’avoir introduit cet amendement pour contourner le constat de la discrimination posé par le juge du Tribunal de première instance et ainsi neutraliser l’exécution du jugement rendu. En effet, selon le Juge, la pratique de Parking.brussels était discriminatoire, car non prévue légalement. Désormais, elle l'est prévue.
Comment expliquer que le pouvoir législatif, décide, sans concertation avec le secteur, de conditionner la gratuité à des démarches supplémentaires, en réponse à une décision du Tribunal de première instance ? N’est-ce pas une mise en danger du principe de séparation des pouvoirs ?
Comment, pour Unia, garantir son indépendance quand, en menant une action en justice, les résultats de cette action se trouvent anéantis par une décision politique, prise dans l’urgence, pour maintenir la scan car à tout prix ?
Comment expliquer qu’un pouvoir législatif prend des décisions sans concertation avec le secteur, alors même qu’il s’est engagé auprès de l’ONU à respecter notamment le droit à la mobilité des personnes handicapées ?
Unia rappelle ses réserves à l’égard de cette ordonnance et reste disponible
Unia souhaite rappeler qu’il n’est pas opposé à l’utilisation des scan cars, ni même à un système d’enregistrement pour les personnes handicapées, pour autant que ce système soit facile d’utilisation, accessible, harmonisé et concerté avec les associations représentatives de personnes handicapées. Et surtout, qu’il ait pour objectif de faciliter la vie de ces personnes, et non de leur imposer des démarches supplémentaires fastidieuses !
Conformément à ses missions, Unia demande aux autorités, une nouvelle fois, de revoir cette ordonnance. Unia reste à leur disposition afin d’envisager avec elles une modification de l’ordonnance respectueuse des droits des personnes handicapées.
Unia reste également disponible pour soutenir les personnes en situation de handicap qui rencontreraient des difficultés à faire valoir leur droit en matière de mobilité et d’inclusion, à Bruxelles ou ailleurs en Belgique.
Carte blanche parue sur le site du Soir le 14 juillet 2023
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