Analyse de la jurisprudence sur la discrimination fondée sur la conviction syndicale (avril 2025)
Fin 2009, le critère protégé de la conviction syndicale a été insérée dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (ci-après : loi antidiscrimination), après que la Cour constitutionnelle ait estimé que l'absence de cette caractéristique constituait une lacune dans la loi antidiscrimination. Depuis lors, celle-ci a donné lieu à une série de jugements et d'arrêts qui sont analysés dans le cadre de la présente contribution.
Contenu
- L’ajout ultérieur du critère de la conviction syndicale
- Qu’est-ce qui est visé par le critère de conviction syndicale ?
- Jurisprudence relative au glissement de la charge de la preuve
- Jurisprudence relative à l'articulation entre la loi antidiscrimination et la loi relative au régime de licenciement des représentants du personnel
- Autres décisions judiciaires importantes
1. L’ajout ultérieur du critère de la conviction syndicale
L'appartenance à un syndicat était l'une des rares caractéristiques liées aux droits fondamentaux qui n'était pas incluse dans la liste des critères protégés lors l’adoption de la loi antidiscrimination du 10 mai 2007. Le législateur a estimé que les convictions syndicales étaient déjà suffisamment protégées par d'autres législations, à savoir :
- la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel
- la CCT n° 38sexies concernant le recrutement et la sélection des salariés
- la CCT n° 95 concernant l'égalité de traitement durant toutes les phases de la relation de travail
Cependant, à la suite d'un recours en annulation déposé par le syndicat LBC-NVK (Landelijke Bediendencentrale – Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel) et la CNE (Centrale nationale des employés), la Cour constitutionnelle a jugé que la loi antidiscrimination elle-même contenait une discrimination non autorisée tant que le critère de la conviction syndicale n'était pas inclus dans la liste des critères protégés (Cour constitutionnelle, 2 avril 2009). La législation antidiscrimination offre une protection juridique plus large que les réglementations susmentionnés, concernant notamment :
- la définition large de la « relation de travail »
- le glissement de la charge de la preuve en cas de faits qui permettent de présumer de l’existence d’une discrimination
- la sanction de nullité des dispositions discriminatoires, l'indemnisation forfaitaire de principe de 6 mois de salaire brut (voir à ce sujet : Analyse de la jurisprudence relative à l'indemnisation de la discrimination dans les relations de travail, et son cumul avec d'autres indemnisations)
- le contrôle de l'inspection du travail
- le droit d'action collective des groupements d’intérêt
- la procédure de cessation, etc.
Suite à l'arrêt de la Cour constitutionnelle, la conviction syndicale a été ajoutée à la liste exhaustive des critères protégés dans la loi antidiscrimination par l'article 108 de la loi du 30 décembre 2009 portant diverses dispositions. La loi antidiscrimination prévoit que les différences de traitement fondées sur la conviction syndicale sont interdites dans le cadre des relations de travail si elles ne poursuivent pas un but légitime et si les moyens utilisés pour atteindre ce but ne sont pas appropriés ou nécessaires (art. 7 et 14 de la loi antidiscrimination). Par ailleurs, les personnes qui, dans le cadre des relations de travail, exercent une discrimination fondée sur ce critère protégé, tout en sachant qu'il n'existe pas de justification raisonnable pour le faire, s'exposent bientôt à d'éventuelles sanctions pénales (voy. l’art. 255 nouveau Code pénal et l’arrêt de la Cour constitutionnelle, 12 février 2009, B.45.4).
Les Communautés et Régions assurent via leur législation antidiscrimination, la même protection dans les matières liées à leurs compétences (par exemple, personnel statutaire des administrations publiques, placement de travailleur, etc.).
2. Qu’est-ce qui est visé par le critère de conviction syndicale ?
Le terme « convictions syndicales » n'est pas défini dans la loi antidiscrimination. Pour interpréter ce terme, nous devons donc nous appuyer sur les travaux préparatoires et l'évolution de la jurisprudence.
L'exposé des motifs de la modification législative susmentionnée de 2009 suit l'interprétation que la Cour constitutionnelle a donnée de la notion de conviction syndicale (Exposé des motifs, Chambre des représentants, sess. ord. 2009-2010, DOC n° 52-2299/001, p. 75). La Cour constitutionnelle a jugé dans son arrêt de 2009 que la conviction syndicale devait être comprise de manière large, comme suit : « L’affiliation ou l’appartenance à une organisation syndicale et l’activité menée dans le cadre d’une telle organisation doivent être considérées comme des manifestations de l’opinion syndicale de la personne concernée. La victime d’une discrimination sur la base de son affiliation, de son appartenance ou de son activité syndicale est dès lors également victime d’une discrimination sur la base de ses convictions en matière syndicale, de sorte que les trois motifs de discrimination cités sont compris dans celui de la conviction syndicale ».
Selon la Cour constitutionnelle, le critère comprend donc 3 composantes, à savoir :
- L'affiliation à une organisation syndicale.
- Le mandat syndical.
- L'activité syndicale.
Dans ce qui suit, nous examinerons de plus près ces 3 composantes de la conviction syndicale, ainsi que l'évolution de ce concept dans la jurisprudence.
Il est également important de noter la protection fournie par la législation antidiscrimination fonctionne toujours dans les deux sens : en l’occurrence, une personne peut également être victime la discrimination parce qu’elle n'est pas membre d'un syndicat ou ne participe pas à des activités syndicales.
Ouvrir 2.1. Être membre (ou non) d’un syndicat
Une première application jurisprudentielle de la définition large de la conviction syndicale concerne la situation d'un travailleur qui a été désavantagé parce qu'il a annoncé qu'il souhaitait être assisté de son syndicat dans le cadre de discussions sur ses salaires et ses conditions de travail. En première instance, sa demande avait été rejetée car il n'avait pas fourni de preuve de son appartenance syndicale au moment des faits.
Toutefois, la Cour du travail a infirmé cette décision, estimant qu’en exigeant une preuve d'affiliation, le Tribunal du travail a ajouté une condition qui ne figure pas dans la législation antidiscrimination. En effet, l'éventuelle assistance d'un syndicat à l'égard d'un non-membre fait également partie de l'activité syndicale et concerne donc la conviction syndicale de la personne concernée. Le fait de ne pas recruter un travailleur parce qu'il souhaite l'assistance d'un syndicat le désavantage en raison de ses convictions syndicales, et une telle demande d’assistance n’est pas suffisante pour justifier que l’employeur aurait perdu confiance dans le candidat. Dès lors, la Cour du travail a constaté une discrimination interdite fondée sur les convictions syndicales du travailler et lui a accordé une indemnité forfaitaire équivalente à 6 mois de salaire brut (Cour du travail Bruxelles (néerlandophone), 19 juin 2018).
Ouvrir 2.2. Remplir (ou non) un mandat syndical ou être membre d’une organisation syndicale
Dans la pratique, les représentants syndicaux sont souvent la cible de mesures négatives en raison de la manière dont ils exercent leur mandat syndical. Pour invoquer la protection de la législation antidiscrimination, il suffit de démontrer que le désavantage subi par la personne en cause est le résultat de l'exercice du mandat syndical. Il n'est donc pas nécessaire que l'employeur désavantage systématiquement tous les représentants syndicaux.
Une affaire bien connue concernait le licenciement d'une représentante syndicale travaillant dans une entreprise de sécurité à l'aéroport. Elle avait utilisé son badge d'accès sécurisé en dehors des heures de travail pour vérifier les conditions de travail de ses collègues dans des températures élevées. Le Tribunal du travail a jugé qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination fondée sur son mandat syndical. Tout d'abord, elle a été désavantagée sur base de son mandat syndical, car l'employeur n'a pas respecté la procédure de conciliation convenue dans la convention collective de travail qui s'appliquait spécifiquement aux délégués syndicaux et aux représentants des salariés, mais l’a traitée comme une travailleuse ordinaire. Elle a également été injustement désavantagée par rapport à d'autres représentants syndicaux qui n'ont pas été sanctionnés pour avoir utilisé leur badge d'accès en dehors des heures de travail (Cour du travail de Bruxelles (néerlandophone), 06 avril 2007).
Une autre affaire concernait plusieurs travailleurs d'un service technique communal qui refusaient de travailler dans un entrepôt où du matériel suspect avait été découvert, après que de l'amiante en ait été retiré à plusieurs reprises. A la suite de ce refus de travail, la commune a licencié le travailleur qui, en tant que délégué syndical et représentant du personnel, avait exprimé les critiques les plus sévères à son égard. Le Tribunal du travail d'Anvers a jugé que ce travailleur avait été traité moins favorablement en raison de son mandat syndical, puisqu'un autre collègue qui avait également refusé de travailler n'avait pas été licencié et que l'intensité et l'agitation ne pouvaient lui être reprochés. La Tribunal du travail d’Anvers a estimé qu'on peut attendre d'un militant syndical qu’en réponse à des incidents de sécurité successifs, il surveille strictement le respect par l'employeur de la législation et des procédures en vigueur concernant les risques pour la santé dans l'exécution du travail (Cour du travail d'Anvers, 28 janvier 2021).
Selon le Tribunal du travail de Gand – division Termonde, il y a également eu discrimination dans le cadre de la rétrogradation d'un représentant syndical dans une entreprise de collecte et de traitement des déchets. Le Tribunal retient notamment qu’un autre collègue, contre lequel des plaintes similaires avaient été déposées, avait quant à lui été autorisé à continuer à travailler à un poste de direction. Le Tribunal du travail a jugé que les déclarations de témoins de collègues et la correspondance laissaient présumer que cette différence de traitement était due à ses activités syndicales. L'employeur n'a pas été en mesure de réfuter de manière concluante cette présomption (Tribunal du travail de Gand, division Termonde, 7 février 2019).
Il peut également être question de discrimination lorsqu’un employeur désavantage spécifiquement un syndicat par rapport à un autre, ou par rapport à des travailleurs non syndiqués. Le Tribunal du travail du Brabant wallon, division de Wavre, a ainsi ordonné à une entreprise à organiser les réunions de la délégation syndicale avec l’ensemble des syndicats, de même que les réunions et discussions relatives aux compétences du CE et du CPPT, ainsi que de cesser d’interdire les affichages d’informations relatives à la CSC. Le Tribunal a assorti ces injonctions d’une astreinte de 250€ (Tribunal du travail du Brabant Wallon, division Wavre, 8 décembre 2023).
La protection s'applique également aux personnes désavantagées parce qu'elles ont exercé un mandat syndical dans le passé. Dans une affaire où la Convention collective n° 32bis du 7 juin 1985 sur le transfert d'entreprise ne s'appliquait pas, une convention collective de travail sectorielle du 12 mai 2003 stipulait que les salariés protégés pouvaient demander à être transférés chez le « nouvel » employeur à condition de renoncer à leur mandat syndical et à la protection qui en découlait. La Cour du travail de Bruxelles a jugé que le refus d'embaucher une ancienne déléguée du personnel constituait une discrimination fondée sur son appartenance syndicale, l’entreprise de nettoyage ayant repris sans discussion les salariés qui n'avaient pas de statut protégé et la femme en question ayant renoncé à ses mandats et à sa protection, l'entreprise ne pouvait objectivement justifier la discrimination (Tribunal du travail de Bruxelles (néerlandophone), 20 avril 2023).
Les personnes qui sont confrontées à une discrimination parce qu'elles assumeront un mandat syndical à l'avenir sont également protégées par la législation antidiscrimination. Le Tribunal du travail de Liège, division Arlon, a jugé que le licenciement d'une salariée qui n'était pas encore représentante syndicale ou candidate était tout de même en lien avec ses convictions syndicales. Bien que l'employeur n'ait reçu la lettre recommandée l'informant de sa désignation comme représentante syndicale que quelques jours après le licenciement, celle-ci avait déjà demandé un congé pour suivre une formation de représentante syndicale. Les motifs invoqués pour justifier le licenciement n'ayant pas convaincu le Tribunal du travail, celui-ci a estimé que la présomption de discrimination fondée sur ses convictions syndicales n'a pas été réfutée par l’employeur (Tribunal du travail de Liège, division Arlon, 23 juin 2020).
La jurisprudence relative à l'égalité de traitement des représentants syndicaux qui bénéficient d’un congé syndical ou de dispenses de service en matière de valorisation de leur expérience professionnelle semble encore en développement, notamment en ce qui concerne leurs possibilités de promotion ou l'octroi de primes.
Les délégués qui bénéficient de dispense ont droit aux promotions et avancements normaux de la catégorie à laquelle ils appartiennent (Convention collective n° 5 du 24 mai 1971 concernant le statut des délégations syndicales du personnel des entreprises, art. 17). Dans la jurisprudence et la réglementation, on tend à assimiler autant que possible l'exercice du mandat syndical à l'exécution effective du travail.
Cependant, la Cour du travail de Liège a jugé qu'il n'était pas disproportionné d'exiger que la promotion d'un électricien qui était également représentant syndical nécessitait des prestations de travail effectives en tant qu’électricien. La Cour a estimé que le refus de promouvoir un représentant syndical qui exerçait son mandat à temps plein pouvait être justifié par des exigences de sécurité. En outre, toutes les promotions au sein de l'entreprise étaient basées sur l'expérience, et la personne en question aurait pu choisir de reprendre partiellement son travail. La Cour a souligné que les partenaires sociaux pouvaient développer un régime de promotion alternatif pour les représentants syndicaux qui exerçaient leurs fonctions syndicales à temps plein, mais a averti que ce régime ne devait pas conduire à un traitement préférentiel par rapport aux autres salariés (Cour du Travail de Liège, division Liège, 23 janvier 2023).
Le paiement de certaines primes liées à des prestations de travail spécifiques peut également entraîner une discrimination indirecte à l'encontre des représentants syndicaux qui sont (partiellement) dispensés de fournir ces prestations. Par exemple, le Tribunal du travail de Bruxelles a jugé que les dispositions régissant le statut du personnel opérationnel des zones de secours devaient être interprétées de telle sorte qu'un représentant syndical bénéficiant d'une dispense totale de service fournissait effectivement des services effectifs et conservait donc son droit à la prime d’opérationnalité. Elle n’a toutefois pas accordé d’indemnisation pour discrimination au requérant, estimant que l’interprétation des dispositions en cause l’autorisait à conserver sa prime et qu’il n’était donc pas désavantagé par rapport à d'autres collègues (Tribunal du travail de Bruxelles (francophone), 28 novembre 2018).
Ouvrir 2.3. L’exercice (ou non) d’une activité syndicale
Des 3 composantes de la conviction syndicale distinguées par la Cour constitutionnelle, c'est surtout celle de l'activité syndicale qui a été développée et élargie dans la jurisprudence.
On vise par là, tout d'abord, les situations plus classiques de travailleurs qui sont désavantagés en raison de leur participation à des activités organisées par le syndicat.
Toutefois, une jurisprudence plus récente confirme que le critère protégé de la conviction syndicale – au même titre que la conviction politique ou religieuse – est plus large que les actions syndicales qui seraient organisées par un syndicat. Il peut également s'agir d'actions basées sur une conviction individuelle ou collective de défendre les intérêts du ou des salariés vis-à-vis de l'employeur. Il n'est donc pas nécessaire que la personne en question soit effectivement membre d'un syndicat ou participe à une activité organisée par un syndicat.
Une première application de cette interprétation large concerne le licenciement de plusieurs travailleurs qui avaient été identifiés comme les instigateurs d'un arrêt de travail spontané. Cette action s'inscrivait dans un conflit social plus large dans l’entreprise, lié à l'augmentation systématique du rythme de travail, mais n'avait pas été approuvée au préalable par les syndicats. Les autres participants à l'arrêt de travail avaient quant à eux été sanctionnés par une retenue sur salaire de deux heures. Le Tribunal du travail de Gand, division Gand, a estimé que « Pour déterminer si le critère protégé de la conviction syndicale joue un rôle dans le cadre de la loi antidiscrimination, il est nécessaire, dans l'interprétation large ainsi suivie par le Tribunal du travail, il est nécessaire d'examiner si une certaine conviction interne et/ou externe, mais principalement personnelle, présentant des caractéristiques syndicales, peut être discernée chez le salarié qui se présente comme victime d'une éventuelle discrimination ». Le Tribunal du travail juge également que : « Dès qu'une idée, une croyance ou une activité a ou acquiert un caractère syndical de par sa nature même, en particulier lorsque les employés s'unissent dans l'intérêt du groupe (ou même dans leur intérêt individuel) pour défendre ces intérêts, et que cette idée, cette conviction ou cette activité exprime cette conviction, il y a effectivement application du critère protégé de la conviction syndicale dans la loi antidiscrimination. Ce concept inclut donc également une action collective qui exprime une certaine conviction syndicale ». Le Tribunal établit également un parallèle avec le critère de conviction politique pour justifier cette interprétation large. L'employeur n'ayant pu fournir que des explications vagues sur le comportement des instigateurs présumés, le Tribunal du travail a jugé que la sanction prononcée, à savoir le licenciement, était disproportionné. Il a donc octroyé aux travailleurs licenciés une indemnité forfaitaire de 5 mois de salaire brut pour discrimination fondée sur leurs convictions syndicales (Tribunal du travail de Gand, division de Gand, 11 juillet 2019).
Dans le cadre du même conflit social, un candidat délégué du personnel qui avait agi en tant que porte-parole lors des arrêts de travail avait également été sanctionné. Il avait été suspendu pendant 5 jours et muté dans une autre équipe. Les autres salariés qui avaient participé aux arrêts de travail spontanés n'avaient pas été sanctionnés à ce moment-là. Le Tribunal du travail de Gand, division Gand, avait estimé que le fait que des sanctions n'aient été imposées qu'au candidat représentant du personnel qui a agi en tant que porte-parole suggérait une discrimination. La Cour du travail a statué que : « L'arrêt de travail auquel l'appelant a participé doit être considéré comme une activité qui était une expression ou une externalisation des convictions syndicales de l'appelant. Il est important de souligner que la loi protège effectivement les « convictions syndicales » et donc pas seulement les actions qui sont des expressions de convictions syndicales. » Étant donné que l'entreprise n'a pas pu démontrer que la sanction n'était pas discriminatoire, elle a été condamnée à lui verser des dommages et intérêts équivalents à 6 mois de salaire brut (Cour du travail de Gand, division Gand, 12 février 2020).
3. Jurisprudence relative au glissement de la charge de la preuve
3.1. Principe
En raison des difficultés à pouvoir prouver, selon les règles de droit commun, une discrimination, la législation antidiscrimination prévoit un régime de preuve dérogatoire à celui-ci. Lorsqu'une personne qui s'estime victime de discrimination, Unia, ou un groupe d'intérêt (tel qu'un syndicat) invoque devant la juridictoin compétente des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination fondée sur un ou plusieurs critères protégés (tels que la conviction sydnciale), il incombe alors au défendeur de prouver qu'il n'y a pas eu de discrimination (art. 28 de la loi antidiscrimination). En cas de présomption prima facie de discrimination, il y a donc un glissement (et non un renversement) de la charge de la preuve.
Dans la jurisprudence et la doctrine, il est parfois soutenu qu'il n'y a déplacement de la charge de la preuve que lorsque la victime présente des faits qui font présumer l’existence d'une discrimination. Cependant, le Tribunal du travail de Bruxelles a confirmé à plusieurs reprises que, pour que la charge de la preuve soit transférée, il suffit que la victime présente des faits susceptible de faire présumer l'existence d'une discrimination fondée sur l'appartenance syndicale (par exemple, Tribunal du travail de Bruxelles (néerlandophone), 22 novembre 2022).
Les faits invoqués doivent être démontrés, que cela soit par des preuves écrites (ou des commencements de preuve par écrit), par des présomptions factuelles (par exemple, des témoignages multiples, précis et cohérents), etc... Toutefois, ils ne doivent pas nécessairement permettre de démontrer, avec un degré élevé de certitude que la victime a été désavantagée en raison de ses convictions syndicales. Il suffit que le juge considère plausible, sur la base des faits prouvés, que le désavantage subi semble lié aux convictions syndicales de la victime, pour transférer la charge de la preuve sur la personne qui a commis le désavantage (qui peut à son tour fournir une contre-preuve ou une justification). Dans un jugement récent, le Tribunal du travail analyse ce glissement de la charge de la preuve en trois étapes (Tribunal du travail de Bruxelles (néerlandophone), 22 novembre 2022) :
Etape 1
Il suffit, pour renverser la charge de la preuve, que la victime présente des faits qui sont susceptible de suggérer l'existence d'une discrimination. Il n'est pas nécessaire que ces faits fassent présumer la discrimination.
La Cour constitutionnelle a jugé à ce sujet que la victime doit démontrer que le défendeur a commis des actes ou a donné des instructions qui pourraient, prima facie, être discriminatoires. Les faits avancés doivent être suffisamment graves et pertinents. Il ne suffit pas qu’une personne prouve qu’elle a fait l’objet d’un traitement qui lui est défavorable. Cette personne doit également prouver les faits qui semblent indiquer que ce traitement défavorable a été dicté par des motifs illicites, en l’occurrence, sa conviction syndicale. Les faits précités ne peuvent toutefois avoir un caractère général, mais doivent pouvoir être imputés spécifiquement à l’auteur de la distinction (Cour constitutionnelle, 12 février 2009 | Unia, B.93.3).
Etape 2
Lorsque la charge de la preuve est déplacée vers l’employeur, parce que la victime présente des faits qui permettent de laissent présumer l’existence d’une discrimination, celui-ci doit alors prouver qu'aucune discrimination n'a eu lieu. Il peut tenter de le faire en démontrant que la différence de traitement n'est pas fondée sur les convictions syndicales, mais reposait uniquement sur des causes légitimes.
Etape 3
Enfin, si le défendeur ne peut pas prouver que la différence de traitement était uniquement fondée sur d'autres éléments, il peut toujours essayer de démontrer que la différence de traitement sur base des convictions syndicales est justifiée conformément à la législation antidiscrimination.
3.2. Cas d’application
La jurisprudence fondée sur la législation antidiscrimination (au sens large) permet de dégager une série d'éléments susceptibles d'entraîner un glissement de la charge de la preuve, tels que le test de récurrence, la méthode comparative par élimination, le manque de transparence, l'absence de données et de preuves statistiques, les critères intrinsèquement suspects, la chronologie des événements, le test de correspondance, les appels mystères, etc. Une discussion à ce sujet nécessite une analyse distincte. Dans le cadre de cette contribution, nous attirons particulièrement l'attention sur 2 situations caractéristiques de la discrimination fondée sur les convictions syndicales :
- Le licenciement d'un délégué du personnel, au moment où sa rémunération variable est la plus faible possible, peut laisser présumer une discrimination fondée sur les convictions syndicales. Dans le cas concret, il s'agissait d'un licenciement sans intervention du Tribunal du travail ni de la commission paritaire, mais avec paiement de l'indemnité de protection, 5 jours avant le début de la période occulte précédant les élections sociales (Cour du travail de Bruxelles (néerlandophone), 22 novembre 2022).
- Le non-respect de la procédure de licenciement particulière applicable aux délégués du personnel peut également entraîner un glissement de la charge de la preuve, de sorte que l'employeur doit démontrer que ce licenciement était totalement indépendant de l'activité syndicale du travailleur (Cour du travail de Mons, 28 juin 2024).
4. Jurisprudence relative à l'articulation entre la loi antidiscrimination et la loi relative au régime de licenciement des représentants du personnel
La loi précitée du 19 mars 1991 portant régime spécial de licenciement des délégués du personnel dans les conseils d'entreprise et dans les comités de sécurité, la santé et l'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel (ci-après : loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel) prévoit que les délégués (candidats) du personnel dans les organes susmentionnés ne peuvent être licenciés que pour un motif grave préalablement accepté par un Tribunal du travail, ou pour des raisons économiques ou techniques préalablement reconnues par l'organe paritaire compétent (art. 2 de la loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel). En cas de non-respect de cette protection contre le licenciement, l'employeur est tenu de verser une indemnité de licenciement supplémentaire, sans préjudice du droit à une indemnité plus élevée pour préjudice matériel ou moral, entre autres (art. 16 de la loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel). Dans plusieurs jugements et arrêts, tant la protection offerte par la loi antidiscrimination que celle offerte par la loi relative au régime de licenciement des représentants du personnel ont été invoquées. Cela a donné lieu à une jurisprudence qui définit les contours de la possibilité de se prévaloir de la protection offerte par les deux législations sur la base d'un même ensemble de faits.
Ouvrir 4.1. Le licenciement est contraire au régime spécial de licenciement, mais ne constitue pas une discrimination fondée sur les convictions syndicales
Ce n'est pas parce que des infractions à la loi de 1991 qui protège les délégués du personnel contre le licenciement sont constatées qu'il y a automatiquement licenciement discriminatoire fondé sur les convictions syndicales, interdit par la loi antidiscrimination. Le cas ci-dessous montre que les 2 législations fonctionnent indépendamment l'une de l'autre.
Une responsable commerciale travaillant au Luxembourg a dû suivre un plan de développement personnel à la suite d'une évaluation de ses performances. À l'époque, elle était également candidate aux élections sociales dans son entreprise. Peu après, son employeur lui a proposé un nouveau poste, impliquant des déplacements réguliers à Bruxelles et une réduction de ses responsabilités. Elle a refusé le poste et son employeur a menacé de la licencier. Le Tribunal du travail de Bruxelles a estimé que le changement de poste et les conséquences financières qui en découlaient constituaient bien un licenciement implicite. L'employeur devait déterminer l'indemnité sur la base de la loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel. Il n'y avait toutefois pas de licenciement discriminatoire, car il existait bel et bien des points susceptibles d'être améliorés et la coïncidence entre le plan de développement et la candidature aux élections sociales était purement fortuite (Tribunal du travail de Bruxelles (néerlandophone), 25 mai 2018).
Ouvrir 4.2. La demande de cessation de travail prévue par la loi antidiscrimination ne peut empêcher le licenciement illégal ou discriminatoire d'un représentant du personnel
Par le biais de la demande de cessation, le président du Tribunal du travail constate l'existence d'une discrimination et peut, sous peine d'une astreinte et/ou de mesures de publicité, ordonner la cessation de la discrimination et imposer des mesures positives afin d'éviter qu'elle ne se reproduise (art. 20, § 1, de la loi antidiscrimination). Dans le passé, il a été tenté, en vain, de faire annuler le licenciement abusif d'un délégué du personnel au moyen d'une demande en cessation, en invoquant une discrimination fondée sur les convictions syndicales.
Lorsqu'un travailleur protégé est licencié de manière illégale, notamment sans que le motif grave justifiant le licenciement ait été reconnu au préalable par un Tribunal du travail (ou une commission paritaire), ce licenciement est illégal mais définitif. Même si ce licenciement constituait une discrimination fondée sur les convictions syndicales du travailleur, la demande de cessation fondée sur la loi antidiscrimination serait sans objet, car le licenciement est déjà définitif. En effet, la demande de cessation ne peut être introduite que tant que le risque de récidive n'est pas objectivement exclu (Cour du travail de Bruxelles (francophone), 3 novembre 2016).
Une entreprise a demandé au Tribunal du travail d'approuver le licenciement pour motif grave d'un délégué du personnel qui avait lancé une action de boycott auprès des clients via un compte de messagerie électronique collectif du conseil d'entreprise. Le délégué du personnel a estimé que l'introduction de la demande de reconnaissance du motif grave du licenciement constituait une discrimination fondée sur ses convictions syndicales et a demandé au Tribunal du travail d'ordonner à son employeur de mettre fin à cette procédure. La Cour du travail d'Anvers, division Anvers, a jugé en l'espèce que le recours à un juge est en soi un acte neutre qui n'a pas ou ne peut avoir en soi un caractère discriminatoire au sens de la loi antidiscrimination (Cour du travail d’Anvers, division Anvers, 14 juillet 2009).
Ouvrir 4.3. Jurisprudence contradictoire concernant le cumul des indemnités sur la base de la loi antidiscrimination et de la loi relative au régime de licenciement des délégués du personnel
Plusieurs jugements et arrêts traitent de la question de savoir si l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut prévue par la loi antidiscrimination peut être cumulée avec l'indemnité prévue par la loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel. Il s'agit de situations dans lesquelles un représentant du personnel est licencié en raison de ses convictions syndicales sans que le Tribunal du travail (ou la commission paritaire) ait préalablement approuvé le licenciement.
La Cour du travail de Bruxelles et la Cour du travail de Mons, ainsi que le Tribunal du travail de Bruxelles, ont jugé que ce cumul était possible (Tribunal du travail de Bruxelles (néerlandophone), 28 septembre 2023) ; Cour du travail de Bruxelles (néerlandophone), 6 mai 2024 et Cour du travail de Mons, 28 juin 2024), tandis que la Cour du travail de Gand, division Gand, a estimé que les deux indemnités ne pouvaient pas être cumulées (Cour du travail de Gand, division Gand, 8 avril 2024).
Le raisonnement est le suivant :
- Ni la loi antidiscrimination, ni la loi sur le licenciement des délégués du personnel ne contiennent d'interdiction expresse de cumul.
- Il est généralement admis que l'indemnité de protection prévue par la loi sur le licenciement des délégués du personnel peut être cumulée avec d'autres indemnités pour préjudice moral ou matériel (art. 16 de la loi sur le licenciement des délégués du personnel).
- Le cumul est possible à condition que les indemnités aient une finalité différente et indemnisent un préjudice différent (Cass. 3 décembre 2012, S.11.0014.F et Cass. 20 février 2012, S.10.0048.F).
Selon la Cour du travail de Bruxelles et la Cour du travail de Mons, tel est effectivement le cas. En effet, l'indemnité prévue par la loi sur le licenciement des délégués du personnel « n'a aucun rapport avec la réparation d'un préjudice lié à la conviction syndicale du travailleur ou à une discrimination de l'employeur à son égard pour ce motif. Selon la Cour du travail, elles indemnisent uniquement le fait que l'employeur – pour quelque raison que ce soit – a choisi de ne pas suivre les procédures et donc de méconnaître la protection contre le licenciement, outre le fait qu'elles constituent une indemnité minimale de préavis ». L'indemnité prévue par la loi antidiscrimination, en revanche, « vise à sanctionner efficacement, sur le plan civil, un comportement discriminatoire, sans que la victime doive prouver le préjudice moral ou matériel qu'elle a subi du fait de la discrimination (voir, par exemple, Doc.Parl.Chambre des représentants, 2006-2007, 2722/001, p. 3, 26-28 et 59-60) ».
La Cour du travail de Gand part du principe que la loi sur le régime de licenciement des délégués du personnel et la loi antidiscrimination (en ce qui concerne la caractéristique protégée que constitue la conviction syndicale) ont le même objectif, à savoir indemniser le préjudice résultant d'une même faute de l'employeur, à savoir le traitement défavorable d'un travailleur en raison de sa conviction syndicale. Un pourvoi en cassation a été introduit contre l'arrêt de la Cour du travail de Gand, de sorte que la question de la possibilité de cumul devrait bientôt être clarifiée.
[Pour les autres possibilités de cumul, voir : Analyse de la jurisprudence sur les indemnités pour discrimination en matière de relations de travail]
5. Autres décisions judiciaires importantes
Ouvrir 5.1 Jurisprudence fondée sur la législation régionale
La répartition des compétences en matière de lutte contre la discrimination suit la répartition classique des compétences. La législation fédérale antidiscrimination s'applique notamment à la fonction publique fédérale, au travail contractuel, au travail intérimaire, au travail domestique, au travail indépendant et au bénévolat. La réglementation antidiscrimination des Communautés et des Régions s'applique à leurs fonctionnaires statutaires et à leur personnel (contractuel) enseignant, au placement de travailleur, à la formation professionnelle, à l'insertion socioprofessionnelle, etc.
Une femme qui travaillait comme fonctionnaire statutaire dans une agence externe autonomisée du gouvernement flamand affirmait avoir été exclue du droit aux allocations en raison de ses convictions syndicales. Sa demande a été rejetée au motif qu'elle ne pouvait pas prouver l'existence d'une discrimination. Bien que l'affaire ait été jugée à tort sur la base de la loi antidiscrimination, la Cour du travail de Bruxelles a estimé que « la base juridique en tant que telle n'est pas vraiment pertinente en l'espèce, étant donné que les principes énoncés dans la loi antidiscrimination et pertinents pour le litige actuel figurent également dans le décret du 10 juillet 2008 établissant un cadre pour la politique flamande en matière d'égalité des chances et de l'égalité de traitement » (Cour du travail de Bruxelles (néerlandophone), 6 décembre 2024).
La Cour du travail de Liège, section Namur, a jugé que la caractéristique protégée que constitue la conviction syndicale s'étend également à son expression à l'égard de tiers. C'est le cas, par exemple, lorsqu'un enseignant (statutaire), qui est également délégué syndical, a transmis, en concertation avec son syndicat, un dossier à des députés afin de poser une question parlementaire soulevant des problèmes entre un directeur et des délégués syndicaux et d'éventuelles violations de la loi sur les marchés publics. Étant donné que l'enseignant avait déjà signalé les irrégularités en interne sans succès, la Cour a estimé que Wallonie Bruxelles Enseignement ne pouvait raisonnablement justifier une sanction disciplinaire sur la base du devoir de loyauté et de réserve de l'enseignant. Le Tribunal du travail a constaté une violation du décret de la Communauté française du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination (Cour du travail de Liège, division Namur, 11 mars 2025).
[Remarque : en raison des larges transferts de compétences aux Communautés en matière d'enseignement, on part du principe que la réglementation communautaire s'applique également en cas de discrimination à l'égard du personnel enseignant contractuel.]
Un chauffeur d'une intercommunale wallonne, qui était également délégué syndical, a été licencié pour ne pas avoir correctement contrôlé les roues de son camion et pour ne pas avoir correctement rempli le carnet de bord. Le Tribunal du travail du Hainaut, division de Charleroi, a admis une présomption de discrimination fondée sur les convictions syndicales compte tenu du moment (juste après plusieurs grèves) et du fait que d'autres chauffeurs n'avaient pas été sanctionnés pour des faits plus graves tels que le délit de fuite. Étant donné que le chauffeur travaillait sous contrat, la réglementation applicable a fait l'objet d'une discussion. L'intercommunale n'ayant pas pu démontrer que le licenciement était totalement indépendant des activités syndicales du délégué syndical, le Tribunal du travail lui a accordé une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut sur la base de la loi antidiscrimination et/ou du décret de la Région wallonne du 6 novembre 2008 visant à lutter contre certaines formes de discrimination (Tribunal du travail du Hainaut, division Charleroi, 14 octobre 2019).
[Remarque : en raison de la compétence fédérale en matière de droit du travail et de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, on part du principe que l'emploi contractuel, y compris dans les administrations locales ou régionales, relève de la législation fédérale antidiscrimination.]
Ouvrir 5.2. Indemnisation du syndicat pour discrimination à l'égard de ses membres et/ou en son nom propre
Les syndicats disposent d'un droit d'action collective qui leur permet d'introduire en leur nom propre une demande (de cessation) ou d'ester en justice en cas de discrimination à l'égard d'un groupe non délimité de leurs membres. En ce qui concerne Unia, ce droit d'action collective a déjà été confirmé au niveau de la Cour de cassation (Cour de cassation, 11 juin 2018).
Dans l'affaire Adecco, la Cour d'appel de Bruxelles a jugé qu'un syndicat, en vertu notamment de ses statuts syndicaux, avait l'intérêt requis pour s'opposer à la discrimination d'une partie de ses membres. Dans le cas concret, il s'agissait de discrimination à l'égard de travailleurs intérimaires non belges par l'utilisation de codes (BBB ou Blanc Bleu Belge). Le Tribunal du travail a jugé que l'employeur pouvait être tenu civilement responsable, en vertu de l'article 1384, alinéa 3, du Code civil, du comportement discriminatoire de ses dirigeants. Le préjudice moral et matériel subi par le syndicat a été évalué, dans le contexte donné, ex aequo et bono, à 25 000 euros (Cour d'appel de Bruxelles (néerlandophone), 10 février 2015).
Il existe relativement peu de jurisprudence dans laquelle un syndicat s'est vu accorder des dommages-intérêts pour discrimination sur la base de la législation antidiscrimination. Il s'agit de situations dans lesquelles le syndicat n'agit pas en tant qu'association représentant une ou plusieurs victimes, mais se présente lui-même comme victime de discrimination (en raison, par exemple, de ses convictions syndicales).
Ainsi, la Cour du travail de Bruxelles a jugé qu'en première instance, une indemnité de 1300 euros avait été accordée à tort à un syndicat pour discrimination en dehors du cadre des relations de travail. Le syndicat a fait valoir que 1°) l'employeur n'avait pas mené de concertation sociale constructive, 2°) il avait tenté de le diviser avec les autres syndicats, 3°) le licenciement d'un de ses délégués laissait supposer qu'il était également victime de discrimination en tant que syndicat. La Cour du travail a toutefois estimé que le syndicat n'avait pas réussi à démontrer l'existence d'une discrimination présumée, étant donné que 1°) aucune preuve n'avait été apportée que l'employeur avait délibérément adopté une attitude non constructive et refusé de mener des consultations sérieuses, 2°) le fait qu'un employeur indique ne pas être favorable à la coopération entre les syndicats ne constitue pas en soi une preuve de discrimination, 3°) un syndicat ne peut être assimilé à l'un de ses délégués syndicaux qui a fait l'objet d'une discrimination, surtout si un autre délégué syndical du même syndicat n'a pas été sanctionné pour les mêmes faits. La Cour du travail a en outre émis des doutes quant à l'applicabilité d'un domaine de la loi antidiscrimination, étant donné qu'il n'existe pas de relation de travail entre l'employeur et le syndicat (Cour du travail de Bruxelles (néerlandophone), 6 mai 2024).
[Remarque : la notion de relation de travail a une signification en droit communautaire, selon laquelle il n'est pas nécessaire qu'il y ait un contrat de travail. Il suffit qu'il y ait discrimination dans le cadre des conditions d'emploi ou de travail. Il peut également y avoir discrimination par association à l'encontre du syndicat.]
Ouvrir 5.3. Condamnation pénale pour violence contre une personne en raison de ses convictions syndicales (présumées)
Enfin, nous attirons l'attention sur le fait que les convictions syndicales (présumées) peuvent également :
- Constituer un élément susceptible d'entraîner une indemnisation forfaitaire plus élevée en cas de harcèlement ou de violence au travail (art. 32decies, § 1/1, a) de la loi sur le bien-être du 4 août 1996).
- Et/ou une circonstance aggravante en cas de coups et blessures (art. 405quater du Code pénal) ou un facteur aggravant pour tous les délits (à partir du 8 avril 2026 : art. 28 et 29 du nouveau Code pénal).
Un exemple assez récent concerne les suites d'une manifestation de soutien aux sans-papiers. 6 membres d'un groupe d'extrême droite ont agressé un sans-abri d'origine polonaise à la suite d'une discussion. La Cour d'appel de Bruxelles a estimé que l'enquête avait révélé que l'auteur « considérait la victime comme un sans-abri, d'origine étrangère, mais surtout comme un sympathisant de groupes de gauche. Il s'agit là d'éléments liés à la fortune, à l'origine nationale ou à la nationalité, à l'origine sociale et aux convictions politiques, philosophiques et syndicales visés à l'article 405quater du Code pénal ». Tout d'abord, la Cour d'appel rappelle que l'application de cette circonstance aggravante ne nécessite pas qu'il soit démontré que la victime est titulaire d'un critère protégé. Il suffit que l'auteur présume que tel est le cas. La Cour d'appel ajoute ensuite que le motif discriminatoire ne doit pas nécessairement être le motif exclusif, principal ou déterminant de l'auteur (Cour d'appel de Bruxelles (francophone), 27 janvier 2021).