Tribunal correctionnel d'Anvers, division Turnhout, 11 octobre 2021
Entre mars 2019 et janvier 2020, une femme connue des services de l’OCAM (Organe de coordination pour l’analyse de la menace) a publié à maintes reprises des mèmes à caractère haineux sur internet.
[Avertissement : les jugements et arrêts peuvent contenir un langage offensant].
Les faits
Entre mars 2019 et janvier 2020, une femme issue du milieu de l'extrême droite, connue de l'OCAM, a publié à plusieurs reprises des mèmes et des vidéos haineux sur diverses plateformes de médias sociaux. Un mème est une image ou une vidéo décalée utilisée sur les médias sociaux à des fins humoristiques. En général, cela se veut comique ou ironique, souvent de manière implicite. Malheureusement, certains groupes extrémistes détournent les mèmes à des fins de propagande, en banalisant le racisme par exemple.
La défenderesse avait partagé, entre autres, une vidéo de l'attaque sanglante à la mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande : des personnes de couleur se font renverser par une jeep. Elle a posté des émoticônes 'fou rire' en commentaire ; un mème avec l’inscription "Moi aussi, je soutiens la semaine la plus chaude" (en référence à De warmste week, projet de solidarité en Flandre) accompagnant l'image de l'incendie d’une mosquée ; des mèmes d'Adolf Hitler, souriant, avec la légende "Regardez l'Europe maintenant. Je ne vous manque pas encore ?" et une vidéo des discours d’Hitler incitant à combattre les Juifs. Ses profils internet montraient également divers symboles néo-nazis.
Unia s'était constitué partie civile dans cette affaire.
Qualification juridique
Le ministère public avait poursuivi la prévenue pour:
- Incitation à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres (article 20, 4° loi antiracisme 1981 telle que modifiée en 2007 – actuellement article 250, 4° Code pénal).
- Nier, minimiser grossièrement, chercher à justifier ou approuver le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la Seconde Guerre Mondiale (article 1 loi négationnisme – actuellement article 256 Code pénal).
Décision
Le tribunal correctionnel est arrivé à la conclusion que les messages de la prévenue incitent indubitablement à la haine envers les étrangers, ce qui ressort également des réactions à ces messages. Le tribunal correctionnel a également estimé que la prévenue avait implicitement donné son approbation à l'Holocauste. L'argument selon lequel les messages étaient d’ordre satirique n'a pas été retenu.
Compte tenu de la gravité des faits et de l'impact sociétal, la prévenue a été condamnée à 6 mois d'emprisonnement, avec un sursis de 3 ans, et à une amende de 320 euros. La demande formulée par Unia, à savoir ordonner à la prévenue de supprimer les messages, n'a pas été acceptée par le tribunal.
Points d'attention
Ce dossier est le résultat d'une enquête très minutieuse, approfondie et bien documentée des services de police.
Ce qui est intéressant dans ce jugement, c'est que la prévenue est condamnée pour avoir publié des mèmes. C'est la première fois en Belgique qu'une personne est condamnée pour avoir publié des mèmes à caractère haineux. L'utilisation de ces mèmes est populaire dans les milieux d'extrême droite et fait partie intégrante de leur stratégie de communication.
Enfin, il est frappant de constater que la vidéo de l'attentat de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, a également été partagée en Belgique. Cette vidéo a été diffusée via les médias sociaux et a ainsi eu une portée internationale.
Unia était partie à la cause.