Cour de justice de l'Union européenne, 14 mars 2017
La volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante.
Asma Bougnaoui et Association de défense des droits de l’Homme (ADDH) contre Micropole SA (C-188/15)
Les faits
Il ressort des éléments du dossier que Mme B. a rencontré, au mois d’octobre 2007, lors d’une foire étudiante, préalablement à son embauche par l’entreprise privée Micropole, un représentant de celle-ci, qui l’a informée du fait que le port du foulard islamique pourrait poser problème quand elle serait en contact avec les clients de cette société. Lorsque Mme B. s’est présentée, le 4 février 2008, à Micropole pour y effectuer son stage de fin d’études, elle portait un simple bandana. Par la suite, elle a porté un foulard islamique sur son lieu du travail. À la fin de ce stage, Micropole l’a engagée, à compter du 15 juillet 2008, sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’ingénieur d’études.
Après avoir été convoquée, le 15 juin 2009, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, Mme B. a été licenciée par une lettre du 22 juin 2009 rédigée comme suit: « Nous vous avons demandé d’intervenir pour le client [...] le 15 mai dernier sur [son] site [...] À la suite de cette intervention, le client nous a indiqué que le port du voile, que vous portez effectivement tous les jours, avait gêné un certain nombre de ses collaborateurs. Il a également demandé à ce qu’il n’y ait “pas de voile la prochaine fois”. Lors de votre embauche dans notre société et de vos entretiens avec votre Manager opérationnel [...] et la Responsable du recrutement [...], le sujet du port du voile avait été abordé très clairement avec vous. Nous vous avions précisé que nous respections totalement le principe de liberté d’opinion ainsi que les convictions religieuses de chacun, mais que, dès lors que vous seriez en contact en interne ou en externe avec les clients de l’entreprise, vous ne pourriez porter le voile en toutes circonstances. En effet, dans l’intérêt et pour le développement de l’entreprise, nous sommes contraints, vis-à-vis de nos clients, de faire en sorte que la discrétion soit de mise quant à l’expression des options personnelles de nos salariés. Lors de notre entretien du 17 juin dernier, nous vous avons réaffirmé ce principe de nécessaire neutralité que nous vous demandions d’appliquer à l’égard de notre clientèle. Nous vous avons à nouveau demandé si vous pouviez accepter ces contraintes professionnelles en acceptant de ne pas porter le voile et vous nous avez répondu par la négative. Nous considérons que ces faits justifient, pour les raisons susmentionnées, la rupture de votre contrat de travail. Dans la mesure où votre position rend impossible la poursuite de votre activité au service de l’entreprise, puisque nous ne pouvons envisager, de votre fait, la poursuite de prestations chez nos clients, vous ne pourrez effectuer votre préavis. Cette inexécution du préavis vous étant imputable, votre préavis ne vous sera pas rémunéré. »
Décision
La notion d’« exigence professionnelle essentielle et déterminante » renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.
L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2000/78 doit être interprété en ce sens que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une travailleuse portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de cette disposition.
Unia n'était pas partie à la cause.
En abrégé: CJUE, Asma Bougnaoui et Association de défense des droits de l’Homme (ADDH) contre Micropole SA, 14/3/2017 – Numéro de rôle C-188/15
Législation:
- Directive-UE 2000/78/CE (27 novembre 2000)