Tribunal correctionnel d'Anvers, division Anvers, 16 décembre 2005
3 personnes ont été citées à comparaître devant le tribunal correctionnel pour avoir enregistré et diffusé une version « alternative » de la « Danse des lutins » ('Kabouterdans'), baptisée « Danse des macaques » ('Makakkendans').
[Voir aussi: Tribunal correctionnel d'Anvers, division Malines, 20 septembre 2002]
[Avertissement : les jugements et arrêts peuvent contenir un langage offensant].
Les faits
3 personnes ont été citées à comparaître devant le tribunal correctionnel pour une version « alternative » de la « Danse des lutins » ('Kabouterdans'), appelée « Danse des macaques » ('Makakkendans'). La chanson contenait des passages tels que « frappez, piétinez », « faites sauter les mosquées », « macaque » et « Turc ».
- Le deuxième prévenu avait chanté la version raciste de la danse. Il n'était pas l'auteur des paroles. Il avait envoyé la chanson à plusieurs connaissances et l'avait mise à disposition via un logiciel de partage de fichiers.
- Le premier prévenu avait reçu la chanson par e-mail et l'avait immédiatement transmise à 29 personnes différentes.
- Le troisième prévenu a téléchargé la chanson via Napster et l'a enregistrée sur le disque dur de son ordinateur. D'autres utilisateurs de Napster ont pu télécharger la chanson (ainsi que des discours d'Hitler). Le troisième prévenu avait déjà été condamné pour avoir joué la « Danse des macaques » ('Makakkendans') lors d'une fête du personnel.
Qualification juridique
Le ministère public a poursuivi les prévenus pour:
- Inciter à la discrimination, à la ségrégation, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe, d’une communauté ou de leurs membres (article 1, 2° loi antiracisme 1981 – actuellement article 250, 3°-4° Code pénal).
Décision
En ce qui concerne le premier prévenu, le tribunal correctionnel a jugé ce qui suit :
- Tant le titre que le contenu de la chanson permettent de conclure qu'elle incite à la discrimination, à la haine et à la violence.
- L'envoi d'un fichier texte par courrier électronique à 29 personnes répond à l'exigence de publicité prévue à l'article 444 du Code pénal, à savoir un écrit qui n'est pas rendu public, mais qui est envoyé ou communiqué à plusieurs personnes.
- Le prévenu a agi avec un dol spécial. Le caractère malveillant de l'acte a notamment été déduit du fait que la chanson a été transmise sans message d'accompagnement dans lequel le prévenu se distancie expressément du contenu du texte.
En ce qui concerne le deuxième prévenu, le tribunal correctionnel a jugé ce qui suit :
- Tant le titre que le contenu de la chanson permettent de conclure qu'elle incite à la discrimination, à la haine et à la violence.
- En chantant la chanson, en la présentant à différentes personnes et en mettant un enregistrement de celle-ci à la disposition de tiers, l'exigence de publicité prévue à l'article 444 du Code pénal a été satisfaite.
- Le prévenu a agi avec un dol spécial. L'intention malveillante a notamment été déduite du fait qu'il s'était approprié le message de la chanson en chantant personnellement les paroles et qu'il avait délibérément voulu transmettre ce message à des tiers.
- Le fait que le deuxième prévenu n'était pas l'auteur de la chanson n'est pas pertinent. Le tribunal correctionnel n'accorde aucun crédit au fait que le deuxième prévenu voulait diffuser une émission-débat sur le racisme et la tolérance.
En ce qui concerne le troisième prévenu, le tribunal correctionnel a jugé ce qui suit :
- Tant le titre que le contenu de la chanson permettent de conclure qu'elle incite à la discrimination, à la haine et à la violence. De plus, le troisième prévenu a ajouté des discours d'Hitler aux fichiers.
- Le fait de placer une chanson dans un dossier partagé de Napster satisfait à l'exigence de publicité.
- Le prévenu a agi avec un dol spécial. Il s'est délibérément rallié au message contenu dans la chanson et a voulu transmettre ce message à des tiers.
Unia était partie à la cause.
En abrégé : Corr. Anvers, div. Anvers, 16/12/2005
Le jugement a été publié dans Rechtskundig Weekblad 2006, p. 187.