Tribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Courtrai, 27 novembre 2019
Le prévenu est gestionnaire d’un profil Facebook sans limite d’accès. Les visiteurs y écrivent des propos racistes. Il ‘aime’ chacun de ces messages haineux.
[Avertissement : les jugements et arrêts peuvent contenir un langage offensant].
Les faits
Un homme publie divers messages sur sa page Facebook sous le nom de Tom Van Vlaanderen ainsi que sous son propre nom. S’ensuivent des commentaires qu'il a lui-même likés. Sont notamment concernés les commentaires suivants :
- "Que ces Turcs de merde retournent dans leur pays, alors ils seront heureux et nous le serons aussi certainement, je veux bien les aider à faire leurs bagages, au plus vite ils partent au mieux c’est, plutôt aujourd'hui que demain."
- "Ne feraient-ils pas mieux de piquer toute cette crapule allochtone ? + Quelque chose de mieux, les chambres à gaz".
- "Chante femme de macaque. Chante. A l'envers, le Lion flamand. Ou nous vous mettrons au four".
- "Faites sauter ces macaques."
Lors de son audition par la police, l'auteur déclare que ses messages sont "purement politiques". En effet, il est sur la liste du Vlaams Belang pour les élections municipales et ne veut pas inciter à la discrimination, à la haine ou à la violence, mais envoyer un message politique.
Unia dépose une plainte contre l'administrateur de la page Facebook et se constitue ensuite partie civile dans le procès.
Qualification juridique
L’auteur était poursuivi pour différents délits :
- Avoir, en public, incité à la discrimination, à la ségrégation, à la haine ou à la violence (article 20 de la loi antiracisme).
- Avoir, en public, nié, minimisé grossièrement, cherché à justifier ou approuvé le génocide commis par le régime national-socialiste allemand pendant la seconde guerre mondiale (article 1 loi négationnisme).
Décision
Le tribunal a condamné l'administrateur de la page Facebook sur la base du délit d'incitation à une peine de prison de deux mois avec un sursis de trois ans et une amende de 800 euros, dont 600 euros sont assortis d’un sursis de trois ans. Unia reçoit 500 euros de dommages et intérêts.
La violation de la loi négationnisme n’a pas été retenue. Selon le tribunal correctionnel, il n'est pas possible de déduire avec certitude du message "quelque chose de mieux, les chambres à gaz" que l'auteur nie, minimise ou tente d'approuver le génocide.
Points d'attention
Le tribunal correctionnel a estimé que le simple fait de liker des messages sur Facebook peut constituer une forme d'incitation à la haine. En effet, le délit d'incitation n'exige pas que le défendeur tienne lui-même des propos racistes. Il suffit qu'il crée consciemment les circonstances qui provoquent ou encouragent ces propos racistes. "En gérant un compte Facebook et en postant des messages unilatéraux dans lesquels les étrangers ou les immigrés sont présentés sous un mauvais jour, en ne supprimant pas les réactions racistes prononcées à leur égard, au contraire, en les likant systématiquement sans aucun signe de désapprobation ou contre-indication et, malgré la nature des réactions, en continuant de poster des messages unilatéraux sans aucune nuance ni avertissement, un contexte Internet a été créé et maintenu dans lequel des commentaires racistes sans retenue ont été postés et cette teneur a également été encouragée".
Le prévenu avait fait valoir que le fait de liker des messages devait être considéré comme une simple confirmation de lecture. Mais le tribunal correctionnel ne l'a pas suivi. "Le prévenu connaît très bien la portée d'un like. Il savait que le fait de liker l'expéditeur, mais aussi les autres visiteurs/lecteurs, donnait l'impression indubitable que l'administrateur était d'accord avec le contenu du message et approuvait ou du moins ne désapprouvait pas la publication de déclarations racistes sur son profil facebook. Le prévenu savait ou aurait dû savoir que, par une telle attitude, l'expéditeur (et les autres visiteurs) se sentait renforcé dans les déclarations racistes, ainsi qu'encouragé à exprimer (encore) des considérations racistes via la plateforme à l'avenir".
Unia était partie à la cause.
En abrégé : Trib.corr.Kortrijk, 27-11-2019