Appel au respect de l'indépendance de la Cour européenne des droits de l’homme
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L’Institut fédéral des droits humains (IFDH), le Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP), l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), Myria, le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale et Unia appellent les autorités fédérales à réaffirmer explicitement leur soutien à la Cour et à la Convention européenne des droits de l’homme. Ils les appellent également à rappeler explicitement que la Cour européenne des droits de l’homme ne peut pas faire l’objet de pressions politiques. La Cour a un rôle vital pour garantir le respect des droits humains de toutes et tous, y compris les droits de ceux et celles qui ont commis des infractions. Les droits fondamentaux ne sont jamais conditionnels : ils ne se méritent pas.
Réaction de 6 institutions publiques des droits humains à la lettre ouverte du 22 mai 2025 de plusieurs chefs d’État européens
Les institutions signataires de cet appel sont particulièrement préoccupées par le fait que la Belgique ait choisi de se joindre à une initiative qui remet en cause le fonctionnement actuel de la Cour ainsi que son indépendance. Il y a 75 ans, la Belgique était à l’origine de la Convention et elle en a toujours défendu son importance. Alors que les droits humains sont de plus en plus remis en cause à l’échelle internationale, le cadre de la Convention est plus que jamais nécessaire. L’accord de gouvernement fédéral réaffirme l’attachement de la Belgique à l’État de droit et au respect des droits humains. Or, en s’associant à cette lettre ouverte, le gouvernement fédéral belge envoie un signal contraire à ses engagements.
1. Respect de l'État de droit : le fondement de la démocratie
Comme le souligne la lettre des chefs d’État, les autorités politiques démocratiquement élues ont la responsabilité de garantir la sécurité des personnes. Dans un État de droit, elles doivent toutefois le faire en respectant la Constitution et le droit international, notamment la Convention européenne des droits de l’homme. Elles ne peuvent en aucun cas faire pression sur les juridictions qui contrôlent leur respect de manière indépendante et impartiale. Ces droits ont été inscrits dans des conventions internationales car ils constituent les fondements de toute société démocratique. Leur ratification engage les États à les respecter en toutes circonstances, même en période de changements.
2. Une tendance à remettre en cause le pouvoir judiciaire et la séparation des pouvoirs
Pour les institutions signataires de cet appel, il est regrettable que la lettre ouverte des chefs d’État s’inscrive dans une tendance croissante des autorités à ne pas exécuter ou à remettre en cause des décisions judiciaires nationales et internationales. Elles ont déjà souligné, à plusieurs reprises, le problème de la non-exécution de certaines décisions de justice par les autorités belges et ce, dans différents domaines : conditions de détention, accueil des demandeurs et demandeuses de protection internationale, durée des procédures judiciaires. De nombreuses décisions de la Cour européenne des droits de l’homme ne sont pas pleinement exécutées ou le sont avec un retard important. Cette tendance constitue une remise en cause progressive, mais profonde, de l’État de droit en Belgique. Le non-respect des décisions de justice, combiné à une remise en cause de la pertinence de celle-ci, sape progressivement les fondements mêmes de l’État de droit.
3. Une représentation inexacte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
Les institutions signataires regrettent que la lettre ouverte des chefs d’État européens prenne pour prémisse une représentation inexacte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. D’une part, la Cour n’empêche aucunement les États de prendre des mesures pour protéger la sécurité des personnes. Elle leur impose même de le faire. Garantir la sécurité constitue un but légitime permettant de restreindre certains droits fondamentaux, de manière proportionnée. D’autre part, la Cour n’interdit pas l’expulsion de personnes de nationalité étrangère condamnées. Elle interdit néanmoins d’expulser une personne vers un pays où elle risquerait d’être torturée, de subir des traitements inhumains ou dégradants ou une atteinte grave à ses droits fondamentaux.
Il n’y a, par conséquent, pas d’opposition entre sécurité et droits humains. Les institutions signataires souscrivent à l’importance d’assurer la sécurité de toutes et tous, mais cela ne peut se faire qu’en conformité avec les droits humains.
4. L’interdiction de la torture est absolue
Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants est indérogeable. Il s’agit d’un droit dont bénéficie toute personne, même si elle est condamnée. Ce droit est inconstitutionnel et ne doit pas être mérité. Les institutions signataires ne peuvent souscrire à l’idée selon laquelle toute mesure qui viserait à protéger les personnes devrait systématiquement primer sur les droits fondamentaux d’une autre personne. Une personne ne peut pas être expulsée vers un pays où elle risque d’être torturée ou de subir une atteinte grave à ses droits fondamentaux, même si elle a commis une infraction. La sécurité des personnes doit être garantie en respectant les droits humains.
Dans un contexte international où les droits fondamentaux et la justice sont de plus en plus remis en cause, il est essentiel que la Belgique reste fidèle à ses engagements. L’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme et le respect des décisions de la Cour s'avèrent plus que nécessaires.
Les institutions signataires appellent dès lors les autorités fédérales à faire preuve de cohérence, à réaffirmer clairement leur attachement à l’État de droit et à protéger - sans ambiguïté - les mécanismes internationaux qui garantissent les droits fondamentaux pour toutes et tous, dont la Convention européenne des droits de l’homme et la jurisprudence de la Cour.