Recommandations pour le logement pour les élections de 2024
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Il existe encore des discriminations sur le marché du logement. Louer une maison ou un appartement si vous touchez une allocation ou avez un handicap n’est pas évident, selon plusieurs études. Pour faire changer les choses, Unia a rassemblé des recommandations à l’occasion des élections de 2024. Nous espérons qu'elles influenceront le travail des responsables politiques pendant la législature.
1. Augmenter massivement l’offre de logements sociaux
La Belgique se caractérise par une offre de logements publics et sociaux très faible au regard des besoins et ce dans les trois régions du pays. Une pénurie de logements entraîne une augmentation de la discrimination puisqu’elle permet aux bailleurs d’être plus sélectifs. Certaines catégories de personnes fragilisées (personnes en situation de handicap, allocataires sociaux, familles monoparentales et nombreuses...) n’ont d’autre solution que de se tourner vers le marché locatif privé bien plus onéreux. L’offre locative peut être augmentée en investissant davantage dans le logement public (et principalement dans les logements sociaux).
Unia recommande depuis de nombreuses années un élargissement de l’offre locative de logements sociaux et demande aux autorités régionales d’augmenter massivement, sur l’ensemble de leur territoire, leurs objectifs en matière de construction et de rénovation de logements publics et sociaux.
2. Mettre en place des grilles des loyers incitatives fiscalement et davantage contraignantes
L’article 23 de la Constitution belge consacre le droit à un logement décent. Pourtant, le montant des loyers sur le marché immobilier privé n’a cessé de croitre ces dernières années mettant en difficulté quantité de personnes cherchant à se loger. Cette situation de tension est encore renforcée par le manque criant de logements publics, en particulier sociaux, à Bruxelles et en Wallonie. En 2018 et 2019, ces deux Régions se sont dotées de grilles indicatives des loyers devant fournir un loyer de référence pour chaque bien établi sur base d’un ensemble de critères mais ces outils non contraignants n’ont jusqu’à présent pas influé sur la hausse continue des loyers.
Unia demande qu’à côté des autres mesures et dispositifs d’aides au logement mis en place (plans d’urgence logement, allocations loyer, AIS...), ces grilles des loyers soient affinées et deviennent contraignantes, tout en rendant ces plafonds locatifs attractifs, notamment fiscalement. Une réflexion pourrait également être entamée sur une taxation modulée des rentes locatives.
3. Harmoniser les règles d’attribution des agences immobilières sociales
Actuellement, chaque agence immobilière sociale (AIS) dispose de marges de manoeuvre assez larges quant aux procédures d’attribution des logements sociaux et aux informations qui peuvent être demandées aux candidats locataires. Nous constatons que cette autonomie pousse certaines agences immobilières sociales à récolter des informations qui sont disproportionnées par rapport à l’exercice des missions des AIS et qui peuvent potentiellement entrainer des discriminations (notamment des informations relatives au casier judiciaire).
Unia recommande donc l’harmonisation des règles d’attribution des logements mis en location par les AIS ainsi que des informations susceptibles d’être récoltées dans le cadre de la sélection des candidats, dans le respect des missions sociales des AIS.
4. Mettre en place un fonds central de garanties locatives
Lors de la prise en location d’un logement, le candidat locataire doit bloquer, au titre de garantie locative, l’équivalent de deux mois de loyer sur un compte bancaire. Aujourd’hui, nombreux sont les particuliers qui rencontrent de réelles difficultés à rassembler la somme nécessaire. Ces dernières années, tant la Région bruxelloise (via les CPAS, Fonds du logement, Fonds BRU-GAL) que la Région wallonne (prêts à taux zéro de la Société Wallonne du Crédit Social) ont mis en place des dispositifs d’aide à la constitution de la garantie locative. Ceux-ci ont hélas montré leurs limites pour diverses raisons.
Unia demande donc la création d’un fonds central de garanties locatives ouvert à tous les locataires (privé/public). Le recours à un tel mécanisme public et paritaire aurait l’avantage de mettre tous les locataires sur un pied d’égalité, quels que soient leurs moyens et la nature de leurs revenus. L’adoption d’une telle mesure réduirait également les phénomènes de non-recours aux droits et permettrait d’éviter des cas de discriminations.
5. Développer un plan d’action visant à augmenter le nombre de logements adaptables pour les personnes handicapées et les personnes âgées
Le manque d’accessibilité et d’adaptabilité des logements constitue un frein important au maintien à domicile des personnes âgées et à la désinstitutionalisation des personnes en situation de handicap. La multiplication des logements adaptables, c’est-à-dire des logements qui peuvent être facilement adaptés en fonction des besoins des personnes qui les occupent, est une mesure incontournable pour répondre aux défis du vieillissement de la population et pour permettre une réelle inclusion des personnes en situation de handicap dans la société.
Unia recommande aux autorités régionales de mettre en place un plan d’action visant à permettre leur développement à grande échelle que ce soit dans le logement public ou privé. L’adaptabilité des logements doit ainsi devenir un critère de qualité à introduire dans les nouvelles constructions ou lors de rénovations lourdes. En outre, Unia plaide pour qu’on initie une réflexion structurelle sur les adaptations de domicile dans le logement social. Celles-ci sont encore régulièrement refusées par les sociétés de logements sociaux.
Unia demande enfin qu’il soit tenu compte de la situation de vulnérabilité et des besoins de la personne en termes d’entourage social ou de cadre de vie (importance de l’accessibilité de l’environnement, accès aux commerces et aux transports publics) lorsqu’on accorde ou pas l’autorisation d’une adaptation de domicile ou quand on propose un transfert dans un autre logement.
6. Mettre en conformité l’article 221§2 du Code bruxellois du logement avec la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées
L’article 221§2 du Code bruxellois du logement prévoit que les travaux destinés à adapter un logement à une situation de handicap ou de perte d’autonomie peuvent donner lieu à une augmentation du loyer. Or, ces adaptations relèvent de la notion d’aménagements raisonnables pour lesquels les personnes handicapées ne devraient pas avoir à supporter la charge des coûts engendrés.
Unia recommande aux autorités de modifier cet article 221§2. Si une discussion dans le cas d’un aménagement particulièrement coûteux devait aboutir à un partage des coûts entre le locataire et le propriétaire, cela doit relever de l’exception et ne peut pas être une règle prévue par l’ordonnance.
Unia recommande au législateur de plutôt faire référence aux critères repris par le Protocole relatif au concept d’aménagements raisonnables en Belgique afin de permettre une évaluation du caractère raisonnable des aménagements.
7. Garantir le respect des droits des publics vulnérables résidant dans les structures d’hébergement non agréées
Unia reçoit régulièrement des signalements concernant les conditions de vie des personnes résidant au sein des structures d’hébergement non agréées (les SHNA), connues sous le nom de « maisons pirates ». Ces lieux accueillent des personnes vulnérables qui ne trouvent pas de place dans les structures agréées (personnes en grande dépendance, sans abri, présentant des troubles psychiques...).
Les signalements reçus par Unia portent notamment sur des faits de maltraitance psychique et physique, des mauvaises conditions d’hygiène, un manque d’accessibilité des lieux, un manque de personnel (et à certains moments une absence de personnel), un personnel non ou insuffisamment formé. Les leviers d’action contre ces violations des droits sont limités.
Unia appelle les autorités régionales à mettre en place un dispositif de contrôle incluant un organe de vigilance habilité à intervenir dans les SHNA, à organiser un recensement exhaustif de ces structures et des profils de leurs résidents ainsi qu’à renforcer la formation du personnel travaillant dans ces lieux.
8. Augmenter significativement le nombre de terrains équipés pouvant accueillir des gens du voyage
Ces vingt dernières années, la situation des gens du voyage, groupe parmi les plus vulnérables et discriminés de notre société, a régressé. Il n’y a en effet, depuis plusieurs années, plus de terrains d’accueil en région bruxelloise et en Wallonie, la situation tend à stagner. Sans stabilité au niveau de l’accueil, il n’est pas possible de déployer des politiques aussi fondamentales que l’accès à l’enseignement, aux services de santé et plus globalement aux droits sociaux en faveur de ce groupe.
Unia demande de créer, en concertation avec les gens du voyage, suffisamment de terrains publics équipés, adaptés et dotés de structures de gestion sociale, destinés à des emplacements résidentiels ; de légaliser les terrains privés et de faciliter leur aménagement en harmonisant les règles urbanistiques ; de créer suffisamment d’aires de transit ouvertes durant les mois d’hiver ; de mettre un frein aux expulsions forcées et d’empêcher les expulsions sans solutions de rechange ; de tenir compte du profil et de la vulnérabilité des personnes (social, santé, âge...) et d’assurer une bonne information et communication au sujet de leurs droits et obligations.
Compte tenu de la situation actuelle, Unia appelle également à transférer la création et la gestion des terrains d’accueil à destination des gens du voyage des communes vers les autorités régionales.
9. Former de manière structurelle tous les agents immobiliers à la législation antidiscrimination
Aujourd’hui, des agences immobilières continuent hélas à discriminer certaines catégories de candidats locataires sur la base d’un critère protégé (provenance de leurs rentrées financières, origine, handicap, orientation sexuelle, âge...). Dans certains cas, il s’agit d’une méconnaissance de la législation antidiscrimination qui n’est, à l’heure actuelle, toujours pas enseignée dans le cadre des différentes formations dispensées. Seul le suivi d’un cours en ligne, très restreint, est aujourd’hui obligatoire.
Unia demande donc que tous les futurs agents immobiliers, quelle que soit la filière suivie, bénéficient structurellement et obligatoirement d’un module spécifique sur la législation antidiscrimination dans le cadre de leur formation certifiante et que tous les agents immobiliers déjà en activité soient systématiquement formés sur ces questions dans le cadre de leur formation continuée.
10. Soutenir et renforcer les pouvoirs locaux dans leurs politiques de lutte contre les discriminations dans le domaine du logement
Les pouvoirs locaux sont des acteurs incontournables de la lutte contre les discriminations. Les compétences communales, la proximité de l’autorité locale avec les citoyens et les acteurs de terrain sont des leviers indispensables à notre action. De plus en plus de villes et de communes souhaitent mener des actions propres de lutte contre les discriminations dans le domaine du logement sur leur territoire mais manquent souvent des moyens nécessaires pour le faire. C’est par exemple le cas des villes qui souhaitent effectuer des campagnes de testing, souvent coûteuses, et initier des actions de sensibilisation et de formation auprès des bailleurs privés et des agences immobilières.
Unia demande aux autorités régionales de soutenir financièrement ces initiatives à travers le lancement d’appels à projets mettant à disposition des budgets spécifiques et plus globalement de soutenir et favoriser les dynamiques locales d’échanges de bonnes pratiques en matière de lutte contre les discriminations.
11. Adopter en Communauté germanophone un décret relatif au bail d’habitation qui tienne compte des enjeux liés à la lutte contre les discriminations dans le domaine du logement
Depuis le 1er janvier 2020, la Communauté germanophone est compétente pour toutes les matières liées au logement, domaine qui était auparavant du ressort de la Région wallonne. Il est dès lors nécessaire que les autorités de l’Ostbelgien se dotent de leur propre décret relatif au bail d’habitation pour ce qui concerne le logement privé.
Unia recommande que cette nouvelle législation puisse tenir compte des enjeux relatifs à la lutte contre les discriminations dans l’accès au logement. Nous pensons en particulier à la capacité donnée aux services de l’inspection du logement de pouvoir mener à bien des campagnes de testings proactifs pour vérifier les éventuels faits discriminatoires.
De même, nous plaidons pour que les informations qui peuvent être demandées par un bailleur à un candidat locataire et les moments auxquels les demander soient clairement balisés (liste fermée) à l’image de ce qui se pratique déjà en région bruxelloise. Par ailleurs, il est important d’insister sur l’interdiction de la discrimination sur la base de la nature des revenus.
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