Recommandations pour l’égalité, la lutte contre les discriminations et les droits humains pour les élections de 2024
- Avis ou recommandations
Unia rassemble ses recommandations les plus importantes concernant l’égalité, la lutte contre les discriminations et les droits humains à l’occasion des élections 2024. Nous espérons qu'elles influenceront le travail des responsables politiques pendant la législature.
1. Élaborer un plan d’action interfédéral contre le racisme
L’engagement de la Belgique à élaborer un plan d’action interfédéral contre le racisme date de 2001, lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance (Durban I). Les rapports annuels d’Unia soulignent aussi l’urgence d’un tel plan d’action interfédéral. De nombreux citoyens sont encore couramment victimes de discriminations basées sur des critères raciaux. Une tentative concrète de parvenir à un plan d’action commun a été amorcée sous cette législature (2019-2024). Différents gouvernements ont adopté leur propre plan d’action contre le racisme, mais il n’y a malheureusement pas encore de plan commun.
Unia demande aux prochains gouvernements fédéral, régionaux et communautaires de développer ensemble un plan d’action interfédéral ambitieux et largement soutenu contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance. Le processus est aussi important que le résultat. C’est pourquoi tous les acteurs concernés doivent être impliqués : pouvoirs publics, partenaires sociaux, société civile, acteurs judiciaires, universitaires, etc. Une concertation avec la société civile, en particulier avec les organisations qui défendent les intérêts des victimes de racisme, est indispensable pour qu’un tel plan soit efficace.
2. Rendre la Stratégie interfédérale pour l’intégration des Roms plus ambitieuse
En juin 2022, la Belgique a déposé sa Stratégie nationale 2020-2030 pour l’intégration des Roms. Pour Unia, il est frappant de constater que cette stratégie contient peu de nouvelles mesures politiques, malgré l’évaluation et les recommandations faites par la Plateforme nationale belge pour les Roms à la fin de la précédente législature (2017). Unia constate aussi l’absence d’un budget et d’indicateurs pour presque toutes les actions de la stratégie.
C’est pourquoi Unia appelle tous les gouvernements à faire preuve de plus d’ambition :
- Utiliser la procédure bisannuelle de rapport pour évaluer les actions au moyen d’indicateurs concrets afin de donner plus de clarté aux actions formulées de manière générale ;
- Accroître la participation des Roms et des gens du voyage au suivi et à l’évaluation du plan, et examiner la possibilité et les conditions d’une représentation nationale des Roms et des gens du voyage ;
- Assurer un partage et un transfert de connaissances en organisant tous les deux ans une concertation pour tous les niveaux de pouvoir (y compris les pouvoirs locaux) en lien avec l’évaluation obligatoire et en impliquant des représentants des Roms et des gens du voyage ;
- Mettre en évidence la contribution positive des Roms à notre société lors de la Journée internationale des Roms (8 avril) afin de briser les stéréotypes négatifs.
3. Mettre en oeuvre et monitorer les plans d’action handicap
Lors de la dernière législature, l’État fédéral et les entités fédérées ont élaboré différents plans d’action handicap ou d’handistreaming. Par ailleurs, la conférence interministérielle chargée du handicap a été relancée, avec notamment pour objectif d’adopter une Stratégie interfédérale handicap pour la période 2022-2030. Unia se réjouit de ces différentes initiatives qui répondent aux observations finales adressées en 2014 à la Belgique par le Comité ONU des droits des personnes handicapées.
Unia recommande aux différentes autorités de poursuivre le travail entamé et d’adopter pour la législature 2024-2029 de nouveaux plans d’action handicap. Il convient par ailleurs de poursuivre les travaux de la Conférence interministérielle handicap, de mettre en oeuvre et de monitorer la Stratégie interfédérale handicap 2022-2030.
4. Développer un nouveau plan d’action interfédéral contre les discriminations et les violences à l’égard des personnes LGBTI+
Ces dernières années, l’État fédéral et la majorité des Régions et des Communautés du pays ont adopté leur propre plan de lutte contre les discriminations et les violences faites aux personnes LGBTI+.
Cependant, pour être réellement efficace, Unia recommande que les différentes entités se concertent et travaillent ensemble afin de développer un nouveau plan d’action interfédéral contre les discriminations et les violences à l’égard des personnes LGBTI+. Dans cet objectif, il sera nécessaire de se baser sur l’évaluation du précédent plan interfédéral qui s’est achevé en 2019, mais également de se fonder sur les plans déjà en vigueur aux différents niveaux de pouvoir. Ce nouveau plan commun devra bien entendu être réalisé en concertation avec les associations LGBTI+ actives sur le terrain et les organismes de lutte contre les discriminations.
Unia demande également qu’une attention particulière soit portée aux violences physiques dont sont victimes les personnes LGBTI+, dans et hors de l’espace public. Différentes enquêtes récentes, ainsi que le nombre de signalements reçu par notre institution, montrent qu’il est urgent d’agir.
5. Adopter le projet de réglementation européenne relative à l’usage de l’intelligence artificielle (I.A. Act) et instituer un organe de contrôle garantissant une intelligence artificielle transparente et certifiée antidiscriminatoire
L’intelligence artificielle (IA) est présente dans tous les secteurs de notre société et peut s’insinuer jusque dans la vie la plus intime des citoyens : santé, loisirs, travail, commerce, police, justice, éducation… Si l’IA peut avoir des usages utiles et bénéfiques, elle peut également être source de discrimination, d’exclusion et générer des situations de profilage problématiques. L’actualité récente a également montré que les algorithmes utilisés par l’IA peuvent constituer un réel danger pour la démocratie et contribuer à la polarisation de la société. Les autorités, en partenariat avec les acteurs concernés, se doivent de protéger les citoyens des effets potentiellement dangereux et/ou discriminatoires de l’IA.
Unia recommande l’adoption rapide d’une réglementation à l’échelle européenne qui encadre le recours à l’IA, ainsi que la mise en place d’un organe de contrôle garantissant un usage de l’IA transparent, encadré et conforme aux droits humains.
Unia recommande également aux autorités belges de :
- Constituer un registre de l’utilisation de l’intelligence artificielle par les autorités publiques. Ce registre inclut une description de l’IA en question et la manière dont elle est utilisée par les autorités publiques. Il comprend également des informations sur la capacité d’apprentissage de l’IA et sur les séries de données utilisées pour former l’IA ;
- Informer systématiquement les particuliers lorsque des autorités publiques utilisent l’IA en soutien au processus décisionnel dans des décisions individuelles. Cela accroît la transparence et permet aux citoyens de demander un contrôle humain supplémentaire ;
- Soutenir les organismes de promotion de l’égalité et veiller à ce qu’ils disposent de compétences et de ressources adéquates et pertinentes pour relever les nouveaux défis de l’IA. En effet, les violations automatisées des droits humains fragilisent les lois antidiscrimination ;
- Assurer une bonne coopération et une répartition des compétences entre le régulateur de l’IA, les organismes de promotion de l’égalité et les instituts de défense des droits humains. La collaboration entre ces instances sera en effet vitale pour garantir une protection juridique efficace.
6. Mettre au point une politique coordonnée et structurelle concernant les données relatives à l’(in)égalité et à la discrimination (‘equality data’) en Belgique
Le rapport du projet ‘Improving Equality Data Collection in Belgium’ (IEDCB) fait apparaître que le paysage belge des ‘equality data’ présente encore beaucoup de lacunes et un grand morcellement. Une politique structurelle doit viser une meilleure utilisation des données et un développement d’equality data de qualité.
Unia recommande de :
- Faire participer les groupes exposés au risque de discrimination au processus de collecte et de traitement des données ;
- Utiliser des méthodes appropriées et diversifiées de collecte de données relatives à l’égalité, de préférence dans une perspective intersectionnelle. En outre, réaliser davantage de tests de discrimination dans différents domaines et dans diverses villes et régions ;
- Utiliser les données existantes sur l’égalité pour élaborer des politiques et évaluer leur impact ;
- Fournir les moyens nécessaires au ‘data hub’, créé dans le cadre du projet IEDCB, afin qu’il puisse être étendu à d’autres critères de discrimination et être tenu à jour ;
- Créer un organe de concertation où les différents acteurs travaillant avec des ‘equality data’ peuvent se rencontrer et veiller, dans ce cadre, à ce que cet organe dispose de ressources durables suffisantes ;
- Respecter strictement la législation relative à la protection des données personnelles (RGPD). Une sensibilisation plus large au cadre et aux conditions juridiques est nécessaire. Dans le cadre de ce débat, il convient notamment de remettre en question les avantages et les inconvénients de l’article 24 quinquies de la loi du 4 juillet 1962 relative à la statistique publique et de clarifier son champ d’application, à la lumière de l’article 9 du RGPD.
Plus d'info :
7. Protéger les personnes réfugiées LGBTI+ en renforçant la formation du personnel des centres d’accueil aux questions relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre
Les associations LGBTI+ relèvent des problèmes récurrents d’homophobie vis-à-vis des personnes LGBTI+, issues de la migration, qui sont hébergées dans des centres d’accueil. La Belgique est une terre d’accueil pour les personnes LGBTI+ forcées de fuir leur pays en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre. Cependant, lors de leurs séjours en centre d’accueil, certains de ces réfugiés sont encore susceptibles d’être victimes de discrimination et de violences homophobes.
Unia recommande aux autorités et à Fedasil de renforcer la formation du personnel des centres d’accueil aux questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre afin de les aider à accueillir et à protéger au mieux les réfugiés LGBTI+, en les formant également à répondre aux problèmes relationnels et de violence pouvant survenir entre les différents résidents de ces centres.
8. Mettre en oeuvre et monitorer les recommandations générales du Comité ONU des droits des personnes handicapées qui seront émises lors de la 2ème évaluation de la Belgique en 2024
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, une nouvelle évaluation (la précédente évaluation remonte à 2014) de la Belgique devant le Comité ONU des droits des personnes handicapées se profile pour août 2024. En 2019, les autorités belges ont rendu un rapport faisant un état des lieux de la situation et des avancées en faveur des droits des personnes en situation de handicap dans notre pays. En 2021, Unia a également adressé un rapport parallèle qui portait principalement sur la précédente législature 2014-2019, au Comité ONU. Le bilan n’était pas positif. Unia constate que durant la présente législature des avancées réelles ont eu lieu, mais regrette que, dans certains domaines, le respect des droits n’ait pas progressé. À l’occasion de cette nouvelle évaluation, notre institution adressera au Comité une mise à jour de son rapport parallèle.
Unia appelle les autorités à tout mettre en oeuvre pour que les recommandations qui seront formulées à l’occasion de cette 2ème évaluation soient rapidement implémentées.
9. Rendre effectif le droit fondamental des personnes en situation de handicap à participer à la vie politique, à savoir le droit de voter et d’être élues
Une attention particulière doit être portée aux personnes avec une déficience intellectuelle et/ou un trouble psychique. Dans les faits, elles sont encore très éloignées du droit de vote et les obstacles qu’elles rencontrent dépassent les questions de mobilité et d’accessibilité aux lieux de vote. Elles manquent notamment de soutien, d’informations accessibles, d’un entourage formé et informé, ou encore elles sont considérées incapables de voter, notamment par les juges de paix qui, dans le cadre de l’ordonnance de mise sous administration de la personne, peuvent les priver de leur droit de vote. Si le vote pour tous assure la légitimité des organes publics, il contribue aussi à la mise en place d’une société inclusive à laquelle chacun participe.
Unia recommande aux autorités de :
- Sensibiliser les juges de paix sur le caractère absolu du droit de vote reconnu à l’ensemble des personnes handicapées et sur leurs capacités réelles à être des citoyens à part entière moyennant, éventuellement, le recours à des dispositifs de soutien ;
- Proposer des incitants afin que l’ensemble des partis politiques et des autorités concernées développent des outils accessibles de préparation au vote (programmes électoraux, information sur les idéologies et partis politiques, mises en situation…). Il s’agit notamment, d’adapter la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales afin que soit intégrée, dans le dispositif de financement public des partis politiques, une obligation de mise en accessibilité de toute l’information émanant des partis politiques ;
- Elargir aux lieux de vie collectifs (dans des maisons de repos ou des centres d’hébergement pour personnes handicapées) la possibilité d’accueillir des bureaux de vote ouverts à la population de la commune.
Rapport sur la participation aux élections des personnes en situation de handicap
10. Appliquer aussi le gendermainstreaming dans l’élaboration de mesures et de politiques relatives au handicap et le handistreaming dans celles liées à l’égalité femmes-hommes
La situation particulière des femmes et des filles n’est souvent pas prise en compte dans l’élaboration de mesures relatives aux personnes en situation de handicap. De même, les besoins spécifiques liés au handicap ne sont pas toujours considérés dans les politiques en matière d’égalité des genres. Les femmes et les filles en situation de handicap restent donc parfois exclues de mesures visant à améliorer la situation des femmes ou des personnes handicapées.
Dans une perspective intersectionnelle, Unia plaide pour adopter une approche genrée dans les politiques relatives au handicap et une approche basée sur le handicap dans les politiques relatives à l’égalité femmes-hommes.
11. Prendre, en temps de crise, des mesures qui respectent les droits humains
Plusieurs crises ont récemment touché notre population, d’autres adviendront : pandémie, catastrophes climatiques, problèmes d’approvisionnement en énergie, en alimentation… L’accord de gouvernement prévoyait qu’un groupe de travail interfédéral et multidisciplinaire soit chargé de l’évaluation et de la mise à jour des différents plans d’urgence existants. À ce jour, aucun de ces plans n’a été finalisé.
Unia demande de tirer les leçons de la crise sanitaire du Covid-19 pour que notre gestion de crises anticipe et tienne mieux compte de l’ensemble des groupes vulnérables. À cette fin, Unia recommande d’utiliser la check-list qu’il a réalisée lors de la pandémie afin de permettre une évaluation des politiques de crise, basée sur les droits humains.
12. Doter les Communautés et les Régions de ministres de l’Égalité et de la Diversité
Jusqu’à présent, le gouvernement bruxellois comptait un secrétaire d’État à l’Égalité des chances, et non un ministre. Par ailleurs, les Collèges de la Cocof et de la Cocom n’ont jamais désigné officiellement, en leur sein, un ministre/secrétaire d’État en charge de l’Égalité des chances, ce qui handicape le développement des politiques publiques pour davantage d’égalité. Enfin, la secrétaire d’État actuelle n’a pas dans ses compétences la politique de diversité de la fonction publique bruxelloise.
Unia plaide pour que le futur gouvernement bruxellois et les Collèges de la Cocof et de la Cocom se dotent d’un ministre de l’Égalité et de la Diversité et non plus simplement d’un secrétaire d’État, afin que ce portefeuille acquière plus de poids et marque la volonté renouvelée des exécutifs bruxellois de promouvoir l’égalité. En outre, ce ministre devra aussi être compétent pour la politique de diversité de la fonction publique bruxelloise, évitant la césure actuelle entre ministre de la Fonction publique et secrétaire d’État à l’Égalité des chances qui s’avère peu efficace.
De manière principielle, Unia recommande que la même logique s’applique au gouvernement wallon et au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles : un ministre de l’Égalité et de la Diversité, dont les compétences comprennent également la diversité de la fonction publique.
13. Se doter d’un ministre de l’Égalité au gouvernement fédéral
Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral compte un secrétaire d’État à l’Égalité des chances, et non un ministre. Outre un rang secondaire, la secrétaire d’État actuelle n’est pas compétente pour la politique de diversité de la fonction publique fédérale.
Unia plaide pour que le prochain gouvernement fédéral ait un vice-premier ministre ayant l’Égalité des chances dans son portefeuille, afin que cette compétence acquière plus de poids et que cela marque la volonté renouvelée du gouvernement de promouvoir l’égalité. Ce vice-premier ministre devra également être compétent pour la politique de diversité de la fonction publique fédérale, évitant ainsi la césure entre ministre de la Fonction publique et secrétaire d’État à l’Égalité des chances.
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