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Recommandations pour l’enseignement pour les élections de 2024

14/06/2023
  • Avis ou recommandations
  • Enseignement

Diversité, discrimination et inclusion sont des thématiques importantes dans l’enseignement. À l’occasion des élections de 2024, Unia émet une série de recommandations pour faire changer les choses tout au long de la législature.

1. Mieux soutenir et former les enseignants et acteurs éducatifs dans la gestion de la diversité

Aujourd’hui, la gestion de la diversité se pose quotidiennement au sein des établissements scolaires. Le Baromètre de la diversité dans l’enseignement (Unia, 2018) a montré que les enseignants se sentent engagés à réduire les inégalités dans l’enseignement mais manquent d’outils pour appréhender les publics hétérogènes d’élèves. Comme le recommandent depuis longtemps tous les organismes défendant les droits de l’enfant, les droits des personnes en situation de handicap ou la lutte contre le racisme, il est essentiel d’offrir aux enseignants des formations et un soutien qui soient à la hauteur des enjeux qu’ils ont à affronter, dans l’objectif d’un enseignement plus inclusif.

Unia plaide pour une formation initiale et continuée des enseignants qui puisse répondre à ces besoins, axée tant sur les compétences que sur les conceptions des acteurs de l’éducation. Cette formation doit s’appuyer sur des analyses collectives des pratiques et permettre notamment aux enseignants de décoder et déjouer les biais, les attentes implicites, les stéréotypes et préjugés inconscients qui peuvent influencer les décisions d’évaluation et d’orientation. Elle doit également outiller ces acteurs pour gérer au mieux les classes hétérogènes et développer la relation avec les parents.

2. Faciliter les signalements et y réagir rapidement et efficacement afin de faire cesser tous les comportements de discrimination, y compris les situations de harcèlement

Il est inacceptable que des élèves ou des étudiants soient harcelés ou discriminés en raison de leur couleur de peau, de leur origine, de leur orientation sexuelle (réelle ou supposée), d’un handicap ou d’une caractéristique physique. Les établissements doivent veiller au respect des législations et garantir à tous les élèves un cadre sécurisé et sécurisant pour l’apprentissage. La Fédération Wallonie-Bruxelles prépare un nouveau dispositif de prévention du harcèlement et d’amélioration du climat scolaire dans l’enseignement obligatoire dès la rentrée 2023.

Unia demande aux autorités de fournir les moyens nécessaires pour que les établissements connaissent leurs responsabilités et leurs obligations en matière de lutte contre le harcèlement et les discriminations, et pour qu’ils mettent en place les mesures appropriées de veille, d’intervention et de prévention afin de soutenir tous les élèves, y compris les plus vulnérables (LGBTI+, personnes en situation de handicap, familles Roms…) et de garantir leur inclusion dans l’éducation. Cela implique la mobilisation et la formation de tous les acteurs de l’éducation, ainsi que la coordination de leurs missions. Ces actions doivent également s’étendre à l’enseignement supérieur et de promotion sociale.

Unia recommande le renforcement du cadre juridique et le développement de dispositifs cohérents en collaboration avec tous les acteurs concernés pour garantir une protection égale pour tous les étudiants.

3. Produire plus de données, de meilleure qualité, pour analyser les évolutions des mécanismes de ségrégation, d’exclusion, de discrimination, et de reproduction des inégalités dans l’enseignement

Chaque étude qui explore les phénomènes de ségrégation, d’exclusion et de discrimination dans l’enseignement révèle un manque de données fiables pour comprendre et suivre l’évolution des inégalités dans ce domaine. Pour déconstruire ces mécanismes, il est nécessaire de croiser des données sur les origines migratoires des élèves avec des variables de genre et de niveau socio-économique, ainsi que de prendre en compte les parcours de scolarisation des personnes en situation de handicap. Il est également indispensable de mieux comprendre les expériences des groupes cibles tels que les élèves, étudiants et enseignants LGBTI+ et les enfants de familles roms et des gens du voyage, pour lesquels des actions spécifiques de prévention de la discrimination devraient être mises en place et évaluées. Au vu de la complexité des mécanismes étudiés, il est nécessaire de collecter à la fois des données qualitatives et quantitatives. Le travail actuel d’Unia sur l’amélioration de la collecte des données liées à l’égalité présente des propositions d’opérationnalisation intéressantes, en respectant les législations sur la protection des données personnelles.

Unia recommande aux autorités de recueillir et croiser davantage de données pour produire des
analyses intersectionnelles dans tous les types et tous les niveaux d’enseignement.

Rapport ‘Improving equality data collection in Belgium’ 

4. Développer un enseignement inclusif pour les enfants des gens du voyage et pour les enfants roms

Les constats issus des enquêtes de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (la FRA) sont interpellant : en Belgique, 39% seulement des enfants des gens du voyage âgés de 6 à 15 ans sont scolarisés, soit le taux le plus faible parmi les pays européens couverts par les études de la FRA. Autre chiffre révélateur, plus de la moitié (55%) des gens du voyage âgés de 45 ans et plus en Belgique n’ont achevé aucun cycle d’étude ou n’ont jamais suivi d’éducation formelle. Il est donc impératif que des dispositifs d’accrochage scolaire spécifiques soient déployés à destination des enfants des gens du voyage. Ceci ne sera possible que si les gens du voyage disposent de terrains en suffisance pour s’établir et ce tout au long de l’année. D’autre part, en Belgique, seuls 70% des enfants roms âgés de 4 à 6 ans fréquentent l’enseignement maternel contre la quasi-totalité des enfants du pays en général. Un travail soutenu doit être déployé via des médiateurs interculturels afin de renforcer les liens entre l’École et les familles roms et ce dès la petite enfance.

Unia recommande aux autorités de développer un enseignement inclusif qui tienne compte de la situation spécifique des élèves roms et des gens du voyage.

Roms et gens du voyage en belgique: principaux résultats de l’enquête de 2019 auprès des Roms et des gens du voyage (europa.eu)

5. Évaluer le système de l’enseignement spécialisé

Dans sa déclaration de politique communautaire pour la législature 2019-2024, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est engagé à analyser et réformer le système de l’enseignement spécialisé via l’organisation d’une table ronde. Cette mesure, qui visait à « décloisonner enseignement ordinaire et enseignement spécialisé », n’a pas été réalisée. Elle est pourtant indispensable pour atteindre cet objectif et participer progressivement à la mise en place d’un enseignement inclusif.

Unia recommande de mettre effectivement en place une évaluation de l’enseignement spécialisé en concertation avec les acteurs de l’enseignement et les organisations représentatives des personnes handicapées.

Déclaration de politique communautaire pour la législature 2019-2024 (cfwb.be)

6. Revoir le financement des Pôles territoriaux et de l’enseignement spécialisé afin que chaque élève, quel que soit son handicap, puisse obtenir du Pôle territorial compétent une aide adaptée à ses besoins sans devoir passer par l’enseignement spécialisé

Les Pôles territoriaux ont été financés par une réallocation des moyens d’encadrement auparavant affectés au mécanisme d’intégration temporaire totale. Chaque Pôle est financé au prorata du nombre total d’élèves scolarisés dans les écoles d’enseignement ordinaire coopérantes à l’exception de ressources particulières attachées aux élèves à besoins spécifiques sensori-moteurs ou en intégration qui ont réellement fréquenté l’enseignement spécialisé. Dans ces conditions, certains élèves sont de facto contraints de fréquenter au moins un an l’enseignement spécialisé pour pouvoir « générer » assez de ressources en faveur du Pôle. Ce n’était pas le cas auparavant. Dans son arrêt 85/2023 du 1er juin 2023, la Cour constitutionnelle a jugé cette situation discriminatoire : le législateur ne peut pas traiter différemment de manière injustifiée les élèves en fonction de leur situation de handicap, intellectuel ou sensorimoteur.

Unia recommande de revoir le mode de financement des Pôles territoriaux, en étudiant la possibilité de réallouer des moyens de l’enseignement spécialisé, pour que chaque enfant puisse obtenir une aide adéquate suivant ses besoins sans devoir passer par l’enseignement spécialisé.

7. Mettre en place une formation continue à l’attention des éducateurs employés dans les services d’hébergement pour personnes handicapées sur la thématique des droits fondamentaux de ce public cible et sur les concepts d’autodétermination

Le droit à l’autonomie de vie est un droit fondamental protégé par la Convention ONU relative aux droits des personnes handicapées. Ce droit s’inscrit dans un processus de désinstitutionalisation qui commence dès aujourd’hui, à l’intérieur des murs des services d’hébergement collectif pour personnes handicapées. Les éducateurs représentent les acteurs sociaux de première ligne pour accompagner les personnes dans la réalisation de leur projet de vie.

Afin de permettre aux éducateurs d’accompagner ces personnes dans le respect de leurs droits fondamentaux, Unia recommande la mise en place d’une formation continue portant sur les principes transversaux de la Convention ONU, à savoir notamment, l’inclusion, la participation de la personne à la vie sociale, la non-discrimination et l’autodétermination.

8. Poursuivre et intensifier les efforts visant à rendre accessibles les bâtiments scolaires aux personnes en situation de handicap

Ces dernières années, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a débloqué de nombreux moyens en vue de rénover les bâtiments scolaires et ainsi améliorer leur accessibilité. Toutefois, le travail à réaliser en la matière reste conséquent et doit être accéléré afin de permettre une véritable inclusion des élèves en situation de handicap.

Unia recommande à la Fédération Wallonie-Bruxelles d’adopter un plan d’action global en matière d’accessibilité des bâtiments scolaires. Etalé sur plusieurs années, ce plan d’action doit comporter un cadastre de la situation existante, des objectifs précis et des ressources pour y parvenir.

9. Inclure une formation à l’accessibilité et à la conception universelle dans le programme d’étude des futurs professionnels de la construction et du numérique

Des bâtiments, des voiries mais aussi des sites internet et des applications web sont encore régulièrement construits sans respecter les prescriptions en matière d’accessibilité. Or, l’inaccessibilité de l’environnement, qu’il soit bâti ou numérique, résulte souvent d’un manque de sensibilisation et de connaissances techniques. A l’heure actuelle, les (futurs) professionnels ne sont pas formés suffisamment à l’accessibilité et à la conception universelle pour les personnes en situation de handicap.

Unia recommande dès lors aux autorités compétentes d’inclure une formation obligatoire en accessibilité dans les programmes d’étude des futurs professionnels de la construction (architectes, entrepreneurs...) et du numérique (webdesigners, concepteurs d’interfaces web...). Les professionnels déjà en activité devraient également pouvoir être formés en la matière dans le cadre de leur formation continue.

10. Former de manière structurelle tous les futurs juristes aux lois antidiscrimination

Aujourd’hui, le cursus des futurs juristes que ce soit au sein des universités ou des écoles supérieures ne comprend toujours pas un module spécifique sur la législation antidiscrimination. Etant donné la prégnance des faits discriminatoires dans notre société, il est certain que ces futurs avocats, magistrats et juristes seront un jour ou l’autre confrontés à des situations et dossiers ayant trait aux discriminations, par exemple dans les domaines de l’emploi ou du logement.

Unia demande donc que le référentiel de compétences des juristes, qu’ils soient formés au sein d’une université ou d’une haute école, soit revu pour y inclure structurellement un module sur la législation antidiscrimination et sur la connaissance des acteurs-clés sur cette question en Belgique, comme c’est déjà le cas pour les futurs magistrats.

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