L’islamophobie fait des victimes : de la toile vers l’espace public
En 2014, le Centre a ouvert 260 nouveaux dossiers de discrimination et d'expressions de haine à l'encontre de personnes musulmanes, liés à leur confession. Les messages de haine sur internet et dans les médias en général (44%) demeurent en-tête. Viennent ensuite les discriminations sur le marché de l’emploi (23%) et dans l’enseignement (11%). Mais on note aussi une progression des dossiers liés à la vie sociale, qui témoignent d’un glissement des paroles vers des actes, parfois agressifs, commis ouvertement dans l’espace public (1 dossier sur 10, contre 1 dossier sur 20 en 2013).
Rappelons d’emblée que les actes et propos punissables par la loi Antidiscrimination portent sur trois catégories de faits : les discriminations au sens strict (distinctions de traitement sans justification objective et raisonnable, ou harcèlement, typiquement dans le secteur de l’emploi), les discours de haine (principalement sur Internet) et les délits de haine. Il s’agit donc d'actes visant des personnes, et non de propos visant la religion en tant que telle, la critique de la religion islamique ne constituant en aucun cas une violation de la loi. Précisons aussi que, si les discours et crimes de haine sont toujours motivés par ce qu’on appelle communément l’islamophobie[1] (la haine ou le mépris des personnes musulmanes en raison de leur religion), les faits de discrimination ne sont pas nécessairement motivés par cette même intention haineuse ou méprisante.
Ainsi 55 dossiers ont été clairement identifiés par le Centre comme des délits ou des discours de haine, contenant des éléments d’incitation à la discrimination, la haine ou la violence et constituant donc une infraction à la loi Antidiscrimination. Parmi ceux-ci on relève notamment des agressions physiques envers des femmes portant le foulard à Bruxelles, Liège et Verviers ; des appels à brûler des mosquées via Facebook et Twitter et une action de militants du Voorpost contre une mosquée à Zelzate pour laquelle le responsable a, entre-temps, été condamné.
Les dossiers de discrimination au sens strict (différence de traitement) concernent le plus souvent le port du foulard sur le lieu de travail ou à l’école, l’accès à certains services ou encore la question des accommodements raisonnables, dont la prière sur le lieu de travail. Dans de telles situations, le Centre offre des conseils juridiques et s’efforce de promouvoir le dialogue en vue d’aboutir à des solutions, sans passer par la case justice.
De manière générale, la tendance inquiétante qui consiste à exclure des personnes sur base de leur conviction religieuse et/ou de l’expression de leur conviction religieuse (en particulier le foulard islamique), continue donc de s’accentuer. Pour ne citer qu’un exemple lié au contexte électoral de 2014, le Centre a enregistré plusieurs signalements de femmes voilées qui se sont vu refuser l’accès à un bureau de vote ou la possibilité d’être assesseurs.
Précisons enfin qu’au total, le Centre a été interpellé près de 700 fois sur des faits de discrimination, de discours et de délits de haine liés aux convictions religieuses. Ceux visant les personnes musulmanes constituent l’écrasante majorité de ces signalements (9 sur 10). Comme les années précédentes, certains événements médiatisés ont engendré de nombreux signalements, dès lors regroupés au sein d’un même dossier. Citons en particulier pour 2014 le jeu en ligne « Minder-Minder-Minder » lancé par Filip De Winter, au cours de la période pré-éléctorale (135 signalements).
Chiffres à venir
En vue de la publication de son rapport annuel en mai 2015, le Centre publiera régulièrement sur son site les chiffres clés pour l’année 2014. Après les chiffres relatifs à l’antisémitisme, il publie aujourd’hui ceux sur l’islamophobie.
[1]Lire aussi notre analyse « islamophobie » dans le rapport annuel 2008 du Centre (p57) : http://www.diversite.be/rapport-annuel-2008-discrimination-diversite
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