[OPINION] Le délit de haine cause des dommages incommensurables.

19 Mars 2012
Critère de discrimination: Racisme

Nous sommes tous choqués par l’attentat commis à la mosquée d’Anderlecht qui a couté la vie à un imam. Chacun, peu importe son origine ou sa religion, a ressenti le besoin de compatir à la douleur de la famille. Chacun est conscient de l’immense douleur face à la perte d’un être proche, parent ou enfant, membre de la famille ou ami, dans des circonstances aussi tragiques. Le Centre est à la disposition des parents du défunt car cet attentat pourrait être considéré comme un ‘délit de haine’ que le Centre a pour mission de combattre.

Les législations contre la discrimination luttent non seulement contre la discrimination (un traitement moins favorable) et les discours de haine (incitation à la haine, à la violence et à la discrimination) mais également les délits de haine.

Les délits de haine sont caractérisés par deux éléments. Le premier élément consiste à perpétrer un crime ou un délit comme par exemple un incendie volontaire, la destruction de biens, des coups et blessures, le harcèlement, l’atteinte à la pudeur et le viol, la non-assistance à personne en danger,…

Le deuxième élément porte sur le motif de l’auteur qui est la haine, le mépris ou l’hostilité envers une personne ou un groupe caractérisés par un critère protégé par les législations contre la discrimination. C’est la présence de ce motif abject qui différencie les délits de haine des délits ordinaires. L’agresseur cible donc intentionnellement la victime du délit ou même des biens lui appartenant parce que la victime porte ou elle est supposée porter une caractéristique protégée par l’un des 19 critères mentionnés dans cette législation. Les délits de haine concernent bien souvent des critères raciaux, religieux ou liés à l’orientation sexuelle mais dans certains dossiers, le Centre est confronté à des victimes âgées, handicapées, pauvres,… La législation qualifie, dans tous ces cas, le motif d’abject et permet au juge de prononcer une peine plus lourde.

L’alourdissement de la peine se justifie par la nécessité d’être plus sévère à l’égard des délits de haine car la culpabilité de l'auteur est plus grande et le dommage qu’il cause plus important. En effet, les délits de haine diffèrent des délits ordinaires à cause de leur impact sur la victime, sur la communauté à laquelle l’individu appartient mais aussi sur la société.

Le dommage pour la victime directe est plus important suite à l’impact psychologique. La victime n’est pas seulement victime des faits parce qu’elle se trouve au mauvais moment, au mauvais endroit ou à cause d’un conflit personnel avec l’auteur. La victime n’est pas victime suite à un acte qu’elle aurait posée, elle est victime pour ce qu’elle est : blanc ou noir, belge ou d’origine étrangère, croyant ou pas, homosexuel, âgé, pauvre, handicapé. C’est non seulement une atteinte à l’intégrité physique d’une personne mais aussi à son identité. Les conséquences psychologiques d’un viol sont souvent plus importantes que les conséquences physiques. Cela conduit à la dépression, l’angoisse,…une attitude plus défensive, plus réservée et un sentiment renforcé de stigmatisation.

Un délit de haine commis sur le membre d’un groupe a un impact sur tous les membres du groupe. Le coupable a bien souvent comme objectif non seulement d’atteindre un individu mais d’intimider tout un groupe. Le motif abject rejaillit donc sur le groupe ou la communauté, le message est alors adressé non pas seulement à la victime en tant qu’individu, mais à l’ensemble de la communauté dont elle fait partie.

Et le dommage ne s’arrête pas là : l’indignation générale partagée par tous démontre que les délits de haine sont préjudiciables à l’entièreté de la société. Si demain vous ou moi n’osons plus descendre en rue ou assister à une assemblée, cela nuit au vivre ensemble. La confiance est le ciment d’une société : sans confiance pas d’économie, pas de vie de quartier, pas de politique,…
Le Centre a reçu la mission du Parlement de lutter contre les délits de haine. Le Centre informe et sensibilise, formule des recommandations pour une meilleure approche et assiste les victimes et leurs proches. Le Centre peut se constituer partie civile et l’a fait à plusieurs reprises dans le cas de violence à l’égard des personnes homosexuelles, de membres de minorités ethnoculturelles,… La préoccupation du Centre est de veiller à ce que le ‘délit de haine’ soit examiné dans le cadre de l’enquête en apportant une attention particulière au contexte entourant les faits, aux propos tenus par l’auteur (par exemple propos racistes ou homophobes) ; à la nature de l’acte (souvent très violent) ; aux éléments du passé de l’auteur,…

Dans une démocratie, on peut attaquer des opinions, des attitudes ou des propos mais jamais des êtres humains. Au sein de la Police et de la Justice des instructions permettant de reconnaitre et poursuivre ce genre de délits existent depuis cinq ans. Chez la police celles-ci gagent à être plus connues et il faudrait désigner des personnes de contact spécialisées en la matière comme ça se fait aux Pays-Bas. Au sein de la Justice il est important de centraliser toutes les plaintes de ce type vers les magistrat de référence, ce qui permettrait de meilleures poursuites, un suivi et des connaisances plus approfondies du phénomène. L'avantage est que les Ministres Turtelboom et Milquet sont toutes les deux aux courant du dossier. C'est à elles maintenant d'en faire ensemble une priorité.

Un délit de haine contre un membre d'une commaunté en affecte l'entièreté.

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