Intersectionnalité et discrimination
- Critères raciaux
- Conviction religieuse ou philosophique
- Voir tous les critères
Certaines personnes sont davantage victimes de discriminations que d’autres car elles font partie de groupes identitaires multiples. C’est ce qu’on appelle les discriminations multiples. La discrimination intersectionnelle constitue l’une d’elles. Elle touche les personnes se situant au carrefour de multiples vulnérabilités et les confronte à des expériences spécifiques complexes. Par exemple, une femme âgée appartenant à un groupe ethnique et en situation de handicap…
Dans la lutte contre les inégalités, l’approche intersectionnelle vise à mettre en lumière les oppressions structurelles et systémiques dont sont victimes certains groupes au sein de la société. Et de mieux protéger leurs droits.
Qu’est-ce que l’intersectionnalité ?
Les lois antidiscrimination parlent de caractéristiques personnelles protégées telles que le genre, l'orientation sexuelle, la couleur de peau, l'origine ou encore les convictions religieuses et philosophiques… Ces critères protégés ne doivent pas conduire à un traitement désavantageux. (En savoir plus sur les critères protégés).
Dans la réalité, les situations de discrimination vécues par certains groupes de personnes sont complexes. Les inégalités naissent à l’intersection de différentes caractéristiques personnelles de l’individu et se trouvent sous l'influence du contexte socio-économique et de plusieurs systèmes de pouvoir, tels le colonialisme, le patriarcat ou encore le racisme.
Dans la lutte contre les discriminations, l’approche purement individuelle des dossiers a fait l’impasse sur les rapports de domination qui s’inscrivent non seulement de manière structurelle dans la société mais également dans l’histoire.
Une approche intersectionnelle permet de ne pas réduire les personnes à un ensemble de caractéristiques individuelles, mais de faire une analyse dynamique des mécanismes et structures discriminatoires.
Discrimination multiple : exemples de cas
On parle de discrimination multiple pour désigner une discrimination fondée sur plus d’un critère protégé. Plus spécifiquement, une discrimination multiple peut se manifester sous forme d’une discrimination successive, cumulée (ou additive) ou intersectionnelle.
Ouvrir La discrimination multiple successive
La discrimination successive se produit lorsqu'une personne est discriminée pour plusieurs motifs. Ces discriminations se produisent séparément et à des moments différents.
Par exemple, un homosexuel issu d'une minorité ethnique peut être discriminé dans une situation sur la base de son orientation sexuelle et dans une autre situation sur la base de son origine ethnique.
Ouvrir La discrimination multiple cumulée (ou additive)
La discrimination cumulée (ou additive) désigne une situation dans laquelle une personne est traitée de manière inégale pour différents motifs à un moment donné. Ces inégalités de traitement peuvent s’additionner l’une à l'autre mais aussi être dissociées l’une de l’autre.
Par exemple, la candidature d'un homme de 44 ans est refusée parce que l'employeur suppose qu'il ne sera pas capable de travailler dans une équipe composée uniquement de femmes âgées de 20 à 30 ans. L'homme est donc doublement discriminé : sur la base de son âge et sur la base de son sexe.
Ouvrir La discrimination multiple intersectionnelle
La discrimination intersectionnelle se produit lorsqu'un individu ou un groupe d'individus est discriminé sur la base de critères qui sont tellement imbriqués qu'ils créent une forme unique et nouvelle de discrimination. Les critères protégés interagissent et deviennent inséparables par l'interaction de différents systèmes de pouvoir liés au contexte socio-économique.
Par exemple, une femme issue d'une certaine minorité ethnique est confrontée à une discrimination différente, du fait qu'elle est une femme et qu'elle appartient à une minorité ethnique, de celle d'un homme issu de la même minorité ethnique, ou encore à un type de sexisme différent de celui d'une femme blanche.
Intersectionnalité comme outil juridique et politique
Dans le traitement des dossiers, l’intersectionnalité offre une grille de lecture qui visibilise les expériences spécifiques vécues par les personnes se trouvant au carrefour de multiples vulnérabilités. Elle les sort ainsi de l’angle mort de l’analyse juridique.
Dans une optique plus large, l’approche intersectionnelle permet de déplacer la focale de l’individu vers les systèmes de pouvoir, d’analyser leur fonctionnement et leur impact sur des catégories particulières de personnes.
Pour Unia, l’intersectionnalité devient de ce fait un outil politique qui peut :
- identifier les groupes les plus touchés par le racisme structurel et la discrimination
- développer des moyens pour atteindre les groupes qui ont le plus besoin de soutien
- élaborer son travail structurel en allant au-delà de de l'individu afin de parvenir à une véritable inclusion.
Discrimination multiple dans la loi
La législation belge antidiscrimination se compose de différents textes de loi, décrets et ordonnances applicables à chaque entité fédérale ou fédérée concernée.
Les lois fédérales antidiscrimination
Il existe trois lois fédérales qui constituent la législation antidiscrimination : la loi antiracisme, la loi antidiscrimination et la loi sur l’égalité de traitement entre hommes et femmes, dite « loi genre ».
En juin 2023, le parlement fédéral a approuvé un projet de loi visant à modifier la législation antidiscrimination en intégrant, entre autres, les notions de discriminations multiples cumulée et intersectionnelle.
La prise en compte, dans le cadre légal, des situations de discriminations multiples constitue une avancée majeure dans l’approche intersectionnelle des discriminations.
Les législations régionales et communautaires
Ouvrir Région bruxelloise
En avril 2024, le parlement bruxellois s’est doté d’un Code bruxellois de l'égalité, de la non-discrimination et de la promotion de la diversité. Il s’agit d’un cadre législatif commun à toutes les institutions régionales et communautaires bruxelloises (COCOM et COCOF). Parmi les modifications apportées, le Code intègre les discriminations multiples et intersectionnelles.
Ouvrir Région wallonne
« Le décret du 6 novembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discrimination » ne prévoit pas, dans sa forme actuelle (2024), de référence aux notions de discrimination multiple et intersectionnelle. Toutefois, il est question dans le texte « de distinction directe ou indirecte fondée sur l'un ou plusieurs des critères protégés ». Cette formulation ouvre indirectement la porte à l’invocation d’une discrimination multiple / intersectionnelle.
Ouvrir Fédération Wallonie-Bruxelles
En avril 2024, le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a adopté la proposition de décret (du 17 avril 2024) modifiant « le décret du 12 décembre 2008 relatif à la lutte contre certaines formes de discriminations ».
La proposition de décret définit de nouvelles formes de discrimination à savoir, la discrimination cumulée et la discrimination intersectionnelle. L’entrée en vigueur du texte est prévue pour le 01.01.2025.
Ouvrir Communauté germanophone
Le décret du 19 mars 2012 visant à lutter contre certaines formes de discrimination ne comporte pas de référence à la discrimination multiple et/ou intersectionnelle. Toutefois à l’instar du décret wallon, il prévoit indirectement la possibilité d’invocation aux discriminations multiples via la formulation « de distinction directe ou indirecte fondée sur l'un ou plusieurs des critères protégés.»
Discrimination intersectionnelle et genre
L’approche intersectionnelle est intrinsèque à la question du genre.
La théorisation de l’intersectionnalité tire sa source des travaux pionniers des féministes noires aux États-Unis et en Grande-Bretagne (cfr Patricia Hill Collins, Ange-Marie Hancock, Angela Davis…) Celles-ci ont remis en question la catégorie « femme » prétendument « universalisée » et ont visibilisé ainsi les différentes formes d’exclusion et d’inégalités sociales vécues par les femmes noires.
Au niveau juridique, c’est la juriste Kimberlé Crenshaw qui a conceptualisé cette notion. L’approche intersectionnelle de la discrimination au sein des analyses juridiques permet de lever les obstacles à l’identification des relations complexes qui existent entre les différentes formes de domination prégnantes dans notre société telles le genre, la race et la classe.
Exemple pratique : discrimination intersectionnelle et port du foulard
Sur base d'une analyse des signalements de discrimination reçus entre 2017 et 2023, Unia constate que les signalements sujet du port de signes convictionnels concernent essentiellement des femmes de conviction musulmane portant le foulard.
Plusieurs chiffres viennent renforcer le constat que l’interdiction du port de signes convictionnels et les formes de harcèlement qui les accompagnent entraînent parfois un traitement défavorable fondé directement sur la conviction religieuse – en particulier l’islam – et touche essentiellement des femmes. Il crée de ce fait une distinction de traitement intersectionnelle.
Autres exemples de discrimination intersectionnelle à l’égard des femmes
La STIB condamnée pour discrimination à l’embauche d’une femme portant le foulard
Unia se réjouit de l’ordonnance rendue par le tribunal du travail de Bruxelles ce 3 mai dans le dossier qui l’opposait à la STIB suite à l’action introduite par une candidate pour une fonction, Unia et la Ligue des droits humains.
Femme et handicap ? Davantage de risques d’être victime de discrimination et de violences
Unia rappelle à l’ONU qu’une personne handicapée est plus sujette à des discriminations et à des violences lorsqu’il s’agit d’une femme.
Cour du travail d'Anvers, division Anvers, 4 janvier 2024
La cour du travail accorde des indemnités cumulées de trois fois six mois de salaire brut à une femme qui a été licenciée pendant une période de congé de maternité.
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- État de santé
- Caractéristique physique ou génétique
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- Conviction syndicale
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- Naissance
- État civil
- Critère protégé lié au genre
- Langue