Cour d’appel de Bruxelles (francophone), 27 janvier 2021
Condamnation d’un membre de Nation pour une agression haineuse sur un sans-abri
[Avertissement : les jugements et arrêts peuvent contenir un langage offensant].
Les faits
Les faits s’étaient déroulés en 2015 en marge d’une manifestation organisée en soutien aux sans-papiers pour laquelle le mouvement Nation avait appelé à contre-manifester. Après la manifestation, six membres du groupuscule d’extrême droite avaient très violemment agressé un SDF d’origine polonaise, en face du Parlement européen. L’agression faisait suite à une discussion de nature politique avec la victime.
Les auteurs avaient été condamnés le 17 février 2016 par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Un des prévenus, ex-leader du mouvement Nation, avait fait appel de cette décision pour contester la présence d’un mobile haineux dans cette agression. Un autre prévenu contestait quant à lui sa condamnation pour rébellion. Le premier jugement était donc devenu définitif pour les autres prévenus.
Unia était partie civile dans ce procès.
Qualification juridique
Le premier prévenu était poursuivi pour coups et blessures avec la circonstance aggravante d’un mobile haineux (art. 398 et 405 quater du Code Pénal)
Le second prévenu était uniquement poursuivi pour rébellion.
Décision
La Cour d’appel a confirmé la décision rendue en 1ère instance et retenu la circonstance aggravante du mobile haineux.
Vu notamment l’écoulement du temps, la Cour a néanmoins réduit la peine originelle de 18 mois d’emprisonnement avec un sursis pour une période de 5 ans à 10 mois d’emprisonnement avec un sursis de 3 ans. La peine d’amende de 1.200 euros a quant à elle été maintenue.
Le second prévenu a vu sa peine initiale d’emprisonnement muée en une peine de de travail de 200 heures. L’amende a été supprimée à son égard.
Points d'attention
La cour d’appel rappelle tout d’abord que l’application de la circonstance aggravante de l’article 405quater CP ne requiert pas de démontrer que la victime possède une caractéristique protégée, mais qu’il suffit que l’auteur présume que ce soit le cas.
Elle ajoute ensuite qu’il n’est pas nécessaire que le mobile discriminatoire soit le mobile exclusif, principal ou déterminant de l’infraction.
Au terme d’une motivation particulièrement intéressante, la cour a estimé qu’il ressortait du dossier que « le prévenu avait perçu la victime comme une personne sans domicile fixe, d’origine étrangère, mais surtout sympathisante des milieux qualifiés de gauchistes, soit autant d’éléments liés à l’état de fortune, à l’origine nationale ou à la nationalité, à l’origine sociale et aux convictions politiques, philosophiques et syndicales visés à l’article 405 quater du Code Pénal ».
« L’agressivité dont le prévenu et ses comparses ont fait preuve ne peut, ainsi, être détachée de la représentation commune qu’ils avaient de lui, soit l’image d’un partisan d’idées politiques totalement contraires aux leurs et contre lesquelles ils luttaient, ce qui a immanquablement contribué à alimenter leur ressentiment à son égard. »
C’est en faisant usage de divers indicateurs que la cour a pu conclure à la présence d’un mobile discriminatoire. La cour a ainsi analysé minutieusement les déclarations des différents prévenus et témoins, examiné le profil des auteurs et du mouvement Nation, constaté la gravité de l’agression et tenu compte du contexte ayant justifié la présence des prévenus sur les lieux.
En abrégé : Bxl., 27-01-2021