Un restaurant, un commerce, une piscine ou un autre établissement peut-il refuser de vous accueillir si vous portez un voile ou un autre signe religieux ?
Les cafés, restaurants, piscines, discothèques, agences immobilières et autres fournisseurs de biens et de services ne peuvent vous refuser si vous portez un foulard ou un autre symbole religieux. Votre liberté individuelle en tant que client est primordiale. Une interdiction est imposée malgré tout ?
Il y a alors discrimination si l’interdiction ne satisfait pas aux 3 conditions suivantes pour être objectivement et raisonnablement justifiée.
1. L’interdiction sert-elle un objectif légitime ?
Un objectif légitime est une chose pour laquelle il existe une bonne raison. Exemples :
- La sécurité : un bowling interdit les foulards amples en raison du risque d’étouffement. Ceci est légitime.
- Les réactions négatives de clients : une agence immobilière ne loue pas un appartement à une femme porteuse du voile au motif que les co-résidents ne veulent pas d’une femme musulmane comme voisine. Ceci n’est pas légitime : le motif de l’agence immobilière est discriminatoire.
2. L’interdiction est-elle un moyen approprié pour atteindre cet objectif ?
Une interdiction doit effectivement contribuer à atteindre l’objectif de manière appropriée.
Exemple : une piscine interdit les tenues de bain recouvrant le corps pour assurer l’hygiène dans la piscine. Bien qu’il s’agisse d’un objectif légitime, l’interdiction de toutes les tenues de bain recouvrant le corps n’est pas un moyen approprié pour l’atteindre. En effet, les maillots de bain couvrants ont été conçus spécifiquement pour les sports aquatiques et satisfont donc aux prescriptions d’hygiène.
3. L’interdiction est-elle un moyen nécessaire pour atteindre cet objectif ?
Pour avoir la certitude qu’une interdiction est nécessaire, il faut évaluer s’il n’est pas possible d’adopter des mesures moins radicales qu’une interdiction. Il convient d’envisager des alternatives moins attentatoires aux droits humains (comme le principe de non-discrimination) qui permettent également d’atteindre l’objectif fixé.
Exemple : un bowling refuse les voiles pour des raisons de sécurité. Bien qu’il s’agisse d’un objectif légitime, une interdiction générale des couvre-chefs n’est pas nécessaire. Une solution alternative consiste, par exemple, à demander de porter un foulard serré sans élément lâche.
Jurisprudence sur le foulard dans les entreprises de fitness, de l’horeca ou autres commerces
- Certaines sportives portant un voile se voient refuser l’entrée dans une salle de fitness au motif d’une interdiction générale de porter un couvre-chef. Le juge estime qu’il n’y a pas de discrimination car l’interdiction est nécessaire pour assurer la sécurité des sportifs (tribunal de première instance de Bruxelles, 4 février 2020).
- Des sportives qui souhaitent porter un voile dans une chaîne de fitness (l’une pour des raisons religieuses, l’autre pour des raisons de santé) sont refusées. Le règlement interne prévoit une interdiction générale de porter un couvre-chef. Le juge estime qu’il n’y a pas de discrimination directe ou indirecte (tribunal de première instance de Bruxelles, 2 juin 2014 et cour d’appel de Bruxelles, 8 septembre 2015).
- Un salon de dégustation de glaces refuse l’entrée à deux femmes portant un voile. Le règlement interne interdit le port de couvre-chefs. Le tribunal juge qu’il s’agit d’une discrimination indirecte. Bien que l’objectif (la tranquillité de la vie récréative) soit légitime et le moyen approprié, l’interdiction du port du couvre-chef n’est pas nécessairement le seul moyen d’y parvenir (tribunal de première instance de Furnes, 2 juillet 2014 et cour d’appel de Gand, 8 octobre 2015).
- Une femme qui veut aller jouer au bowling est invitée à retirer son voile pour des raisons de sécurité. Le tribunal reconnaît l’objectif légitime (sécurité) d’une interdiction, mais aboutit à la conclusion que les moyens d’atteindre l’objectif ne sont ni appropriés ni nécessaires : discrimination indirecte fondée sur la conviction religieuse (tribunal de première instance de Bruxelles, 25 janvier 2011).
- Une femme portant un voile souhaite prendre un verre en terrasse mais le tenancier refuse de la servir : discrimination directe fondée sur la religion (tribunal de première instance de Bruxelles, 22 décembre 2009).
Bon à savoir
Certaines situations sont également résolues sans intervention des tribunaux. Par exemple, à la fin du mois de décembre 2024, l'annonce par une chaîne de fitness qu'elle interdirait les symboles religieux et politiques à partir de 2025 a suscité une vague de réactions négatives sur les réseaux sociaux. L'entreprise a réagi en supprimant la clause de son règlement intérieur et en optant pour le choix de l'inclusivité.
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