Analyse de la jurisprudence sur les indemnités pour discrimination en matière de relations de travail, et leur cumul avec d’autres indemnités (octobre 2024)
Dans le cadre de cette contribution, nous nous pencherons sur la réparation que peuvent espérer les victimes de discrimination, lorsque celle-ci a lieu dans le cadre des relations de travail [1].
Après avoir rappelé les principes qui guident l’indemnisation de la discrimination, nous ferons le point sur le cumul de l’indemnité pour discrimination en cas de discriminations multiples, ainsi qu’avec d’autres indemnités.
Rappels théoriques quant à l’indemnisation de la discrimination
Les sanctions en cas de non-respect de l’interdiction de discriminer doivent être « effectives, proportionnelles et dissuasives » [2]. En application de ce principe et des enseignements qu’avait déjà dégagé la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet [3], le législateur belge a fait le choix, lors de l’adoption des lois antidiscrimination de 2007, de permettre une indemnisation forfaitaire pour les victimes de discriminations [4].
Celui-ci a en effet estimé que l’application du droit commun de la responsabilité civile « n’offrait pas à la victime la possibilité d’obtenir une réparation effective du préjudice par elle subi », notamment au vu du caractère principalement moral du dommage enduré, pour lequel « les juridictions belges auront en effet tendance à lui offrir l’Euro symbolique » [5]. Une telle forfaitarisation était également présentée, à l’époque, comme la contrepartie du choix qui a été fait de restreindre le volet pénal de la lutte contre les discriminations, afin de s’assurer de continuer à disposer de sanctions dissuasives [6].
A l’inverse des autres domaines d’application de la loi dans lesquels une somme fixe est octroyée aux victimes de discrimination [7], l’indemnisation forfaitaire du préjudice moral et matériel qu’a subi une victime du fait d'une discrimination dans le cadre des relations de travail équivaut à six mois de rémunération brut [8]. Cette indemnisation est réduite à trois mois si l'employeur parvient à démontrer que le traitement litigieux défavorable ou désavantageux aurait également été adopté en l'absence de discrimination [9]. Ces législations ne définissent pas la notion de rémunération brut, mais il ressort de la jurisprudence que relèvent de celle-ci, non seulement le salaire mensuel fixe mais également d'autres avantages qui sont la contrepartie du travail, tels que l'utilisation privée d'une voiture de société et les contributions de l'employeur aux assurances (C. Trav. Anvers, division Anvers, 28 juin 2021, www.unia.be). L'indemnité forfaitaire due par un employeur sur la base de la législation antidiscrimination n'a pas le caractère d'un revenu professionnel imposable (Trib. Anvers, division Anvers, 1er octobre 2021, www.unia.be ; Christian BUYSSE, ‘Werkgever schendt Antidiscriminatiewet : vergoeding niet belastbaar?‘, Fiscoloog, n° 1720, 7). Par conséquent, aucun précompte mobilier n'est dû sur cette indemnité. Comme l'indemnité ne constitue pas une forme de rémunération, mais répare un préjudice matériel et moral, elle n'est pas non plus soumise aux cotisations de sécurité sociale (C. Trav. Bruxelles, 17 novembre 2015, J.T.T., 2016, 81 ; Willy VAN EECKHOUTTE, Vincent NEUPREZ, Compendium social - Droit du travail contenant des annotations fiscales 2018-2019, Kluwer, 2018, n° 2419, 1378).
Le système de forfait a été critiqué, pour plusieurs raisons, devant la Cour constitutionnelle. Toutefois, celle-ci l’a validé, estimant notamment que « le traitement de faveur [à savoir, la possibilité d’indemnisation forfaitaire] critiqué dans la première branche du septième moyen trouve une justification objective et raisonnable dans les problèmes particuliers relatifs à la preuve que rencontrent les victimes d’une discrimination, non seulement pour ce qui est de constater la discrimination elle-même, mais également pour ce qui est du dommage, ainsi que dans les problèmes particuliers pour faire cesser une discrimination constatée. Le constat de la gravité de ces problèmes et le souci d’y remédier relèvent de la liberté d’appréciation du législateur » (C. Const, arrêt n° 17/2009 du 12 février 2009, B. 33.4).
La différence d’indemnisation qui existe entre le régime applicable aux relations de travail et celui applicable dans les autres domaines a également été accepté par la Cour (C. Const., arrêt n° 17/2009 du 12 février 2009, B. 38.1) [10].
Notons que le recours au forfait est optionnel dans le chef de la victime : elle reste libre de demander la réparation du préjudice qu’elle a réellement subi, en application du droit commun [11].
Le système ainsi mis en place est relativement simple, mais il donne toutefois parfois lieu à des jurisprudences inventives, voire contra legem [12].
La question du cumul
La question du cumul des indemnités prévues par la loi antidiscrimination se pose sous deux angles :
- Le cumul de plusieurs indemnités pour discriminations en cas de discriminations multiples. et
- Le cumul de l’indemnité pour discrimination avec d’autres types d’indemnités.
Cette question fait écho, de manière plus large, à celle du cumul des indemnités dues en matière sociale sur laquelle la Cour de cassation s’est déjà penchée : celle-ci considère que les indemnités faisant suite à un licenciement doivent, pour pouvoir être cumulées, correspondre à des finalités et des dommages distincts (Cass., 20 février 2012, S.10.0048.F, www.juridat.be).
La Cour a également retenu qu’un cumul peut avoir lieu entre deux indemnités réparant un dommage identique, mais provenant de causes distinctes (Cass., 3 décembre 2012, S.11.0014.F, www.juridat.be).
Cumul en cas de discriminations multiples
Les décisions rendues par les cours et tribunaux dans des affaires où était invoquée une discrimination multiple, visent deux cas de figure : celui où est dénoncé un traitement discriminatoire unique fondé sur plusieurs critères et d’autre part, l’hypothèse de plusieurs traitements discriminatoires qui reposent sur plusieurs critères protégés.
Si de manière constante, les juridictions du travail font référence aux enseignements précités de la Cour de cassation en matière de cumul d’indemnités, leur application manque de cohérence.
Dans le cas d’un refus d’embauche fondé sur les critères du sexe et de l’âge, le Tribunal du Travail de Liège a octroyé un cumul partiel d’indemnités, soit 9 mois, jugeant qu’il était face à deux types différents de discrimination et que le dommage était « à tout le moins partiellement distinct sous l’angle moral » (T. trav. Liège, 11 août 2017, Chr. D.S., 2018, 05-06, pp. 242-245).
Dans une autre affaire, une entreprise pharmaceutique avait refusé d’engager une femme sourde qui était enceinte. Tant le Tribunal du Travail que la Cour du Travail d’Anvers ont estimé que cette dernière avait été victime d'une ‘triple discrimination’. La 1ère discrimination était fondée sur le handicap de la requérante à qui pendant la procédure de candidature, il a été proposé une affectation temporaire en dessous de son niveau. La 2e concernait le refus de l’engager pour le poste en raison de son handicap et la 3e discrimination reposait sur ce même refus mais fondé sur sa maternité. Contrairement au Tribunal du Travail qui avait accordé trois indemnités de six mois pour chacune des discrimination (T. Trav. Anvers, division Anvers, 29 septembre 2020, www.unia.be), la Cour du Travail a estimé que la victime avait droit à deux indemnités forfaitaires correspondant à six mois de salaire brut : l'une sur la base de la Loi antidiscrimination et l'autre sur la base de la Loi genre (C. Trav. Anvers, division Anvers, 28 juin 2021, www.unia.be). Par contre, la Cour du Travail a jugé que les discriminations subies par la victime en raison de son handicap, que cela soit lors de sa candidature ou lors du recrutement, étaient liées entre elles et à ce titre, ne devaient donner lieu qu’à l'octroi d'une indemnité forfaitaire unique [13].
Quelques semaines avant, un raisonnement différent a été tenu par le Tribunal du Travail de Bruxelles qui a octroyé une double indemnité pour une discrimination fondée sur le genre et la conviction religieuse, non pas en raison de la présence de deux critères distincts comme ce fut le cas dans les affaires citées précédemment mais du fait que la requérante a été confrontée à deux refus d’embauche successifs. Le Tribunal du Travail a considéré que le préjudice était unique pour chacun des postes auxquels elle avait soumis sa candidature et qu’il ne pouvait donc être tenu compte de la multiplicité des critères (T. Trav Bruxelles, 3 mai 2021, www.unia.be).
Ces quelques jurisprudences permettent de mettre en lumière l’absence de cohérence entre les décisions rendues par les cours et tribunaux qui justifient tantôt le cumul par la présence de plusieurs critères à la base de la discrimination tantôt par la multiplication des traitements discriminatoires.
Notons que par une Loi du 28 juin 2023 [14], le législateur a consacré légalement l’existence des discriminations multiples en faisant une distinction entre la discrimination multiple cumulée et la discrimination multiple intersectionnelle [15]. Il a également expressément reconnu aux juges la faculté, tant en cas de discrimination cumulée qu’intersectionnelle, de tenir compte du nombre de critères à la base du traitement discriminatoire et de cumuler les indemnisations forfaitaires [16].
Cumul avec d’autres indemnités
Lorsque la victime de discrimination s’est vue licenciée, outre le cumul de l’indemnité pour discrimination avec l’éventuelle indemnité de préavis due au travailleur (C. Trav. Bruxelles, 28 novembre 2022, www.terralaboris.be et T. Trav. Liège, division Verviers, 13 avril 2023, www.unia.be), il n’est pas rare qu’elle sollicite la condamnation de son ancien employeur au paiement d’autres sommes. Dans cette section, nous avons choisi d’évoquer la possibilité de cumul de l’indemnité pour discrimination avec :
- i. L’indemnité pour licenciement déraisonnable.
- ii. L’indemnité de protection contre le licenciement de la femme enceinte.
- iii. L’indemnité instaurée au bénéfice des délégués syndicaux.
- iv. L’indemnité prévue par la CCT n° 103.
- v. et indépendamment de l’hypothèse du licenciement : L’indemnité prévue en cas de harcèlement.
i. Indemnité pour licenciement déraisonnable
La jurisprudence est divisée quant au sort à réserver au cumul de l’indemnité pour licenciement déraisonnable, prévue par la CCT n° 109, avec l’indemnité pour discrimination.
Une jurisprudence majoritaire estime que dès lors que la CCT n° 109 interdit expressément le cumul avec « toute autre indemnité qui est due par l’employeur à l’occasion de la fin du contrat de travail » (CCT n° 109, art. 9, § 3), mis à part celles qui sont citées dans la CCT elle-même, l’indemnité pour licenciement déraisonnable et l’indemnité pour discrimination ne peuvent être cumulées (not. récemment C. Trav. Bruxelles, 19 décembre 2023, www.unia.be ; C. Trav. Bruxelles, 23 mai 2022, www.unia.be ; C. Trav. Bruxelles, 21 septembre 2020, www.unia.be ; T. Trav. Liège, 20 mars 2023 et T. Trav. Liège, division Liège, 6 décembre 2022, www.unia.be).
D’autres décisions ajoutent, comme motif de refus du cumul de ces indemnités, qu’elles auraient un fondement et un objet identique, le fondement étant le motif illégitime du licenciement et l’objet, la sanction de la faute de l’employeur (T. Trav. du Hainaut, division Charleroi, 6 novembre 2018, www.unia.be et T. Trav. Liège, 12 janvier 2021, cité dans T. Trav. de Liège, division Verviers, 25 janvier 2023, www.unia.be).
Un autre courant jurisprudentiel accepte cependant le cumul entre ces indemnités (Not. T. Trav. du Hainaut, division Charleroi, 14 octobre 2019, www.unia.be ; C. Trav. Bruxelles, 12 avril 2021, www.terralaboris.be et C. Trav. Mons, 23 septembre 2022, www.unia.be). La Cour du Travail de Mons considère en effet, d’une part, qu’en application de la hiérarchie des normes, une convention collective de travail ne peut interdire à un travailleur de puiser la source d’une indemnisation dans une norme législative supérieure (à savoir la législation antidiscrimination), et d’autre part, que les deux indemnités en cause trouvent leur source dans des causes distinctes et réparent des dommage distincts. L’indemnité pour discrimination constitue, selon la Cour du Travail de Mons, une sanction civile visant à assurer l’effectivité de l’interdiction de discriminer, alors que l’indemnité de la CCT n° 109 sanctionne la faute de l’employeur et le dommage subi par le travailleur en raison du licenciement manifestement déraisonnable (C. Trav. Mons, 23 septembre 2022, www.unia.be).
Une clarification provenant de la Cour de cassation serait donc bienvenue afin de trancher la controverse.
ii. Indemnité de protection contre le licenciement de la femme enceinte
A plusieurs reprises, les cours et tribunaux ont rejeté la demande de cumul de l’indemnité de protection contre le licenciement de la femme enceinte (Loi du 16 mars 1971 sur le travail, art. 40) avec l’indemnité résultant d’une discrimination fondée sur le genre, au motif que l’objet de la protection était identique (C. Trav. Bruxelles, 3 septembre 2014, www.terralaboris.be et C. Trav. Bruxelles, 25 janvier 2022, www.terralaboris.be). (Voy. également T. Trav. Bruxelles, 7 février 2022, www.terralaboris.be).
Depuis lors, à contre-courant de cette jurisprudence, le cumul a été autorisé. Il a ainsi été jugé que le préjudice moral subi par la travailleuse licenciée en raison de son état de grossesse d’une part et celui subi à la suite d’une discrimination fondée sur son sexe d’autre part ne coïncidaient pas (C. Trav. Liège, division Namur, 3 novembre 2022, www.terralaboris.be et C. Trav. Bruxelles, 15 mars 2023, www.terralaboris.be).
Le législateur a définitivement mis fin au débat en insérant un nouveau paragraphe dans l’article 23 de la Loi genre citée précédemment, qui prévoit expressément que les dommages et intérêts forfaitaires liés à une discrimination « peuvent être cumulés avec les indemnités de protection versées à la suite de la rupture d'une relation de travail, sauf disposition contraire imposée par ou en vertu d'une loi » [17].
Dans la lignée de la jurisprudence récente et de cette modification législative, la Cour du Travail d’Anvers a autorisé le cumul des trois indemnités au bénéfice d’une employée licenciée durant la période de protection fixée à l’article 40 de la Loi sur le travail et dont le licenciement a également été considéré comme une discrimination sur la base des critères protégés du genre et de l’état de santé. Pour la Cour du Travail, ce cumul était admissible dès lors qu’aucune interdiction n’existait dans les textes et que le dommage réparé était distinct (C. Trav. Anvers, division Anvers, 4 janvier 2024, www.unia.be).
iii. Indemnité de protection prévue pour les délégués du personnel
Le Tribunal du Travail de Louvain a estimé que la protection offerte aux délégués du personnel au sein du conseil d’entreprise ou du comité pour la prévention et la protection au travail par la Loi du 19 mars 1991(Loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail ainsi que pour les candidats délégués du personnel) est une lex specialis protégeant ceux-ci contre tout licenciement, en ce compris un licenciement déraisonnable ou discriminatoire, et qu’un délégué qui a bénéficié de l’indemnité spéciale de protection prévue par la loi ne peut bénéficier, au surplus, de l’indemnité pour discrimination (T. Trav. Leuven, 5 août 2021, www.unia.be).
Toutefois, cette décision a été réformée en appel par la Cour du Travail de Bruxelles, qui a autorisé le cumul, estimant que d’une part, le cumul entre ces indemnités n’est pas expressément exclu, et d’autre part, celles-ci réparent des préjudices distincts (C. Trav. Bruxelles, 6 mai 2024, www.unia.be). D’autres décisions vont également dans le même sens et autorisent un tel cumul (T. Trav Bruxelles, 28 septembre 2023, www.unia.be et T. Trav. Bruxelles 20 avril 2023, www.unia.be).
iv. Indemnité prévue par la CCT 103
Suite au licenciement d’une travailleuse pour des ‘absences perturbant gravement l’organisation de l’entreprise’ alors qu’elle bénéficiait d’un crédit-temps à 4/5e en vue d’octroyer des soins à un membre de sa famille gravement malade prévu par la CCT n° 103, la Cour du Travail de Mons a octroyé à celle-ci tant l’indemnité de six mois prévue par la CCT précitée, que l’indemnité pour discrimination sur base de l’état de santé, estimant que l’employeur n’arrivait pas à prouver qu’il avait licencié la travailleuse pour des raisons étrangères à son crédit-temps et à son état de santé. La Cour du Travail estime que ces indemnités trouvent leurs sources dans des causes distinctes (sanction civile visant à assurer l’effectivité de l’interdiction de discriminer pour l’un, et sanction de faute de l’employeur pour l’autre), réparent des préjudices distincts, et peuvent donc être cumulées (C. Trav. Mons, 21 octobre 2022, www.unia.be).
v. Indemnités en cas de harcèlement
La question du cumul des indemnités issues de la législation antidiscrimination avec l’indemnité due en cas de harcèlement ne semble pas faire l’objet de controverses au sein des cours et tribunaux, qui l’autorisent (T. Trav. Bruxelles, 2 octobre 2017, www.unia.be et C. Trav. Mons, 15 mars 2024, www.unia.be) [18]. Il peut toutefois en aller différemment lorsque ce sont exactement les mêmes faits qui sont au fondement de différentes demandes d’indemnités (T. Trav. Bruxelles, 15 janvier 2020, www.unia.be).
Outre le dédommagement lié aux faits de harcèlement, la législation relative au bien-être au travail prévoit, au même titre que la législation antidiscrimination, une protection contre les représailles et, en cas de violation de celle-ci, l’octroi d’une indemnité forfaitaire. Pour des faits susceptibles d'être constitutifs à la fois d’intimidation (une forme de discrimination) et d’harcèlement au travail, la Cour du Travail a exclu le cumul entre les indemnités issues des mécanismes de protection contre les représailles prévues par ces deux législations, considérant qu’elles avaient des finalité et dommage identiques (C. Trav. Bruxelles, 15 mai 2012, www.unia.be).
Quant à la possibilité de cumuler cette indemnité de protection accordée à la victime d’une mesure de représailles à celle résultant d’un autre forme de discrimination, le législateur a modifié la Loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail afin d’expressément l’autoriser [19], se fondant sur le fait que ces indemnités ne réparent pas le même dommage [20].
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Notes de bas de page
[1] Rappelons que la législation antidiscrimination entend de façon large la notion de ‘relations de travail’, qui n’est donc pas cantonnée à la relation existant entre un employeur et son travailleur ; voy. not. la définition donnée à l’article 4, 1°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination. La jurisprudence a notamment jugé que peuvent être considérées comme ‘relations de travail’, des relations entre une société et un indépendant (C. Trav. Gand, division Bruges, 13 juin 2017, www.unia.be), ou entre plusieurs sociétés (T. Trav. Bruxelles, 3 septembre 2019, www.unia.be et C. Trav. Bruxelles, 27 juin 2016, www.unia.be).
[2] Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, considération 35 et article 17 ; Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique, article 15.
[3] En matière d’emploi, la Cour de justice de l’Union européenne avait notamment jugé que « si un Etat membre choisit de sanctionner la violation de l'interdiction d'une discrimination par l'octroi d'une indemnité, celle-ci doit être de nature à assurer une protection juridictionnelle effective et efficace, doit avoir un effet dissuasif réel à l'égard de l'employeur et doit être en tout cas adéquate au préjudice subi. Une indemnisation purement symbolique ne saurait être conforme aux exigences d'une transposition efficace de la directive » (C.J.C.E., arrêt n°14/83, du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, §§ 23-24).
[4] Loi du 10 mai 2007 modifiant la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie (loi antiracisme), article 16 ; Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (loi antidiscrimination), article 18 ; Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes (loi genre), article 23. Les entités fédérées ont également repris le même type de dispositifs.
[5] Doc. Parl., Projet de loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, Exposé des motifs, Chambre, 2006-2007, 51-2722/001, 26.
[6] Ibid, 27.
[7] En ce qui concerne la législation fédérale, il s’agissait d’un forfait fixé à 650 ou 1300 € auparavant, suivant que le contrevenant parvenait ou non à démontrer que le traitement litigieux défavorable aurait également été adopté en l’absence de discrimination. Ces montants ont été augmentés respectivement à 1950 et 3900 € par la loi du 28 juin 2023 portant modification de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes.
[8] Dans les travaux préparatoires des lois antidiscrimination, il est précisé que « le système développé trouve sa légitimation explicite, en matière d’indemnisation forfaitaire, dans la jurisprudence européenne de la Cour de Justice [C.J.C.E., arrêt C-180/95 du 22 avril 1997, Draehmpaehl] et dans la pratique qui consiste à sanctionner, en général, les violations des «protections contre le licenciement» nationales par le paiement d’une compensation correspondant à 6 mois de salaire » (Doc. Parl., Projet de loi tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, Exposé des motifs, Chambre, 2006-2007, 51-2722/1, 60).
[9] L’existence d’une telle possibilité de réduction implique que, lorsqu’un traitement défavorable (tel un licenciement) est basé tant sur des motifs discriminatoires que sur d’autres motifs, la discrimination n’est pas « neutralisée » par ces autres motifs, mais permet uniquement de réduire l’indemnité due. En ce sens, voy. not. C. Trav. Bruxelles, 27 juin 2023, www.unia.be. Dans le même sens C. Trav. Bruxelles, 26 avril 2023, www.unia.be : « Si le traitement défavorable a plusieurs causes, il suffit que l'une d'elles soit en lien avec un critère protégé pour conférer au traitement un caractère discriminatoire ».
[10] Également arrêt n° 70/2018 du 7 juin 2018, qui répond à une question préjudicielle qui portait spécifiquement sur le traitement différent entre l’employeur qui se rend coupable d’une discrimination et n’importe quel autre justiciable qui se rend coupable de la même discrimination.
[11] Dans les faits, cette seconde branche de l’alternative est rarement choisie par les victimes, qui optent pour l’indemnité forfaitaire, et encore plus rarement acceptée par la jurisprudence (On note, par exemple, l’arrêt de la C. Trav. Bruxelles, 15 juin 2010, www.unia.be dans lequel une réparation du préjudice réellement subi était demandée par la victime, mais le juge n’a pas constaté de discrimination ; de même, un médecin qui travaillait au sein d’une institution hospitalière qui avait refusé de prolonger son contrat d’un an en raison de l’âge atteint par celui-ci sollicitait la réparation du dommage réel subi, consistant en la perte d’une chance de conserver son activité durant au moins un an, mais le Tribunal a considéré que cette évaluation était trop aléatoire et lui a octroyé l’indemnité forfaitaire (T. trav. Bruxelles, 17 janvier 2020, par ailleurs réformé – sur l’existence d’une discrimination - par C. trav. Bruxelles, 24 avril 2023, www.unia.be). Par ailleurs, la Cour du Travail de Bruxelles a confirmé que la victime pouvait opter pour l’indemnité forfaitaire même lorsque la réparation en nature était encore possible, et que ce choix, prévu par le législateur, ne pouvait s’interpréter comme un abus de droit (C. Trav. Bruxelles, 15 mai 2015, www.unia.be).
[12] Voy. not. le jugement du Tribunal du Travail du Brabant wallon, qui estime que la requérante ne produit aucun élément permettant de prouver le dommage matériel subi alors que la requérante demandait l’indemnité forfaitaire, et décide que dans de telles conditions, le seul dommage moral de la victime est réparé par une indemnité forfaitaire de 650 € (T. trav. Brabant wallon, 19 février 2019, www.unia.be). Ce jugement a été réformé en appel et la requérante a obtenu une indemnité de trois mois de salaire brut (C. Trav. Bruxelles, 31 janvier 2023, www.unia.be).
[13] Un raisonnement similaire a été tenu par la Cour du Travail de Liège en l’absence, toutefois, d’une discrimination multiple. Un travailleur avait été confronté au refus de son employeur de lui accorder des aménagements raisonnables en raison de son handicap, qui s’était suivie d’une décision de le licencier. Pour la Cour du Travail, si les deux traitements défavorables constituaient deux actes différents, les causes des deux discriminations et les préjudices subis se confondaient, et à ce titre, un cumul d’indemnisation ne se justifiait pas (C. trav. Liège, divisipn Namur, 18 mars 2021, www.unia.be).
[14] Loi du 28 juin 2023 portant modification de la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination et de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, article 4.
[15] Pour en savoir plus, Intersectionnalité et discrimination | Unia.
[16] Article 18, § 2, 3° et 4° de la Loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, tel que modifié par l’article 11 de la loi du 28 juin 2023 précité.
[17] Loi du 15 novembre 2022 portant modification de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, et de la loi du 16 décembre 2002 portant création de l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, article 12. Dans les travaux préparatoires, le législateur rappelle que « La finalité de la législation antidiscrimination diffère de celle du droit du travail. Il devrait donc être possible, sous réserve des conditions imposées par la jurisprudence en matière de cumul, de combiner une indemnité forfaitaire avec une indemnité de protection en vertu du droit du travail, sauf si cela est explicitement exclu ». Doc. Parl., Exposé des motifs, Chambre, 2021-2022, 55 2813/001, 23-24.
[18] T. Trav. Bruxelles, 2 octobre 2017, www.unia.be : Il y a un cumul de l'indemnité de préavis, de l'indemnité due en violation de la législation antidiscrimination, de l’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable et de celle due en raison du harcèlement subi. Plus récemment, C. Trav. Mons, 15 mars 2024, www.unia.be: La Cour du Travail a accordé des dommages et intérêts pour harcèlement sexuel au travail, non-respect de la Loi relative au bien-être, abus de droit de licenciement et discrimination fondée sur l'état de santé.
[19] Article 32tredecies de la Loi du 4 aout 1996 ; Loi du 7 avril 2023 modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, la loi du 30 juillet 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, et la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, pour ce qui concerne la protection contre les mesures préjudiciables, article 14.
[20] Doc. Parl., Exposé des motifs, Chambre, 2022-2023, 55 3021/001, 14.