Une meilleure protection contre les représailles dans les lois antidiscrimination

2 Juin 2023
Domaine d'action: Vie en sociétéEmploi
Critère de discrimination: Tous les critères

Une nouvelle disposition réglementaire protégeant contre d’éventuelles représailles les personnes qui signalent une discrimination, témoignent ou apportent leur soutien est entrée en vigueur le 1e juin 2023. Pour Unia, il s’agit d’une avancée importante. Elle répond aux recommandations d’Unia et de la Commission d’évaluation des lois antidiscrimination fédérales de réduire le formalisme et protéger une plus large catégories de personnes.

Pourquoi fallait-il une meilleure protection contre les représailles ?

La peur de représailles constitue l’une des raisons principales pour lesquelles les personnes qui se sentent discriminées n’entreprennent pas de démarches. Elles craignent en effet des mesures de rétorsion de la part de l’auteur des faits reprochés suite à leur plainte.

La loi précédente prévoyait déjà une protection contre les représailles, mais la procédure était complexe. Tant les personnes s’estimant discriminées que les témoins ne pouvaient prétendre à une protection contre des mesures défavorables (comme p. ex. un licenciement, le refus d’une prestation, …) qu’après avoir envoyé une « plainte » datée et signée par courrier recommandé à l’employeur ou au prestataire de services concerné, expliquant en quoi les faits constituaient une discrimination. Par ailleurs, seul un groupe limité de personnes pouvait bénéficier d’une protection, à savoir celles qui témoignaient par écrit dans le cadre de l’enquête relative à la plainte.  

En quoi consiste la nouvelle protection contre les représailles ?

Dorénavant, non seulement les personnes signalant une discrimination par écrit, par téléphone ou oralement seront protégées, mais aussi les lanceurs d’alerte, celles qui témoignent (oralement ou par écrit) et celles qui apportent leur assistance ou de l’aide.

La personne qui demande à être protégée doit seulement prouver que l’employeur ou le prestataire de services avait connaissance ou était raisonnablement informé de l’existence du signalement, du témoignage ou de l’assistance apportée. Elle peut également demander une attestation à la personne auprès de qui elle a signalé la discrimination. Cette attestation doit mentionner les dates auxquelles différentes actions ont été entreprises et doit être transmise à la personne concernée. Le signalement, le témoignage, l’aide ou l’assistance peut être adressé :

  • directement à l’employeur ou au prestataire de services
  • aux services d’inspection chargés du contrôle
  • à Unia ou à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH)
  • aux services de médiation, aux organisations de défense des intérêts (comme les syndicats ou des organisations protégeant les droits des patients)
  • à la police ou aux instances judiciaires

Quelle législation a été adaptée ?

Ladite loi des représailles du 7 avril 2023 (MB 15 mai 2023) apporte des modifications à la loi Bien-être et aux lois antidiscrimination. Elles sont entrées en vigueur le 1e juin 2023.

Cette modification législative intervient à la suite d’un arrêt de la Cour de justice (UE) dans l’affaire Hakelbracht qui estimait que le système de protection existant ne satisfaisait pas aux obligations imposées par les directives européennes. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) s’était constitué partie civile dans ce dossier. La Commission européenne a entamé une procédure d’infraction, à la suite de laquelle les décrets et ordonnances des entités fédérées ont été modifiés et, désormais, les lois antidiscrimination fédérales.

Comme la « loi bien-être » transpose elle aussi la protection contre les représailles prévue dans les directives européennes antidiscrimination pour la violence et le harcèlement à caractère discriminatoire au travail, elle prévoit que c’est le système de protection prévu dans la légalisation antidiscrimination qui s’appliquera désormais si la violence ou le harcèlement au travail a un  caractère discriminatoire.

La protection reste valable 12 mois

Si l’employeur ou le prestataire de services prend une mesure préjudiciable endéans ces 12 mois, il doit fournir la preuve irréfutable qu’elle n'a aucun lien avec l’introduction du signalement ou de la plainte, ou avec son contenu.

Dans le cas contraire, un dédommagement est prévu. Il correspond à une indemnité forfaitaire équivalant à 6 mois de salaire brut (emploi) ou 1.300 euros (hors emploi). La loi prévoit expressément que cette indemnité peut être combinée avec les dédommagements forfaitaires prévus en cas de discrimination et qu’une demande de réintégration est possible, sans être obligatoire.

Clause anti-abus

Afin d’éviter que des demandes de protection ne soient introduites de manière injustifiée, une clause anti-abus a été expressément prévue. Elle prévoit qu’un juge peut décider au cas par cas si la personne concernée a introduit un faux signalement ou une fausse plainte dans le seul but de se protéger. Dans ce cas, le juge peut condamner l’intéressé à payer un dédommagement à l’employeur ou au prestataire de services.

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