Entreprises de l’internet et vie privée : la double morale de l’histoire

25 Novembre 2013
Critère de discrimination: Racisme

La semaine dernière, un collaborateur de Louis Michel, a apporté une série d’amendements au projet de règlementation européenne sur la protection de la vie priée. Cette révélation a permis, une fois encore, de s’interroger sur l’incroyable lobbying utilisé par l'industrie de l'internet pour tenter d'affaiblir le projet européen sur la protection de la vie privée. Cette industrie ne manque pas de ressources pour arriver à ses fins : tant qu'ils seront autorisés à faire commerce des données personnelles de leurs clients, Twitter, Facebook et Google seront capables de générer de plantureux bénéfices. Les géants de l'internet prêchent les vertus d'un monde sans vie privée.

Mais leur discours est incohérent. Lorsque quelqu’un utilise leurs réseaux pour inciter à la violence, et donc commettre un acte punissable, ces mêmes entreprises invoquent subitement le droit à la vie privée – et se montrent réticentes à coopérer avec la justice. Sont-elles à ce point préoccupées par leurs intérêts commerciaux et tellement moins par le respect de la vie privée qu'elles en viennent à adopter ce saisissant revirement d'attitude ?

Brandir l'argument de la liberté d'opinion est absurde. Certes, la justice a mieux à faire que d'intervenir dans des discussions enflammées sur Facebook, Twitter, etc. même si l'on y tient des propos racistes, antisémites ou islamophobes. Les mots doivent être combattus par des mots : à chacun de nous de réagir à de telles opinions. Mais l'incitation à la violence, à la discrimination et à la haine est bel et bien un délit passible de poursuites : la justice doit alors pouvoir faire son travail et les entreprises de l'internet lui fournir les coordonnées de ces auteurs. Sans quoi ces derniers restent impunis et les centaines de pages de profil incitant à la violence se compteront demain par milliers.

Il y a de l'espoir. Au début de cette année, un tribunal français a contraint Twitter à dévoiler l'identité des utilisateurs de hashtags tels que #SiMonFilsEstGay, #SiMaFilleRameneUnNoir, #UnBonJuifestunjuifmort ou encore #SiJetaisNazi. Entre-temps, Facebook a modifié ses règles d'utilisation en matière de sexisme et de discrimination : les protestations massives de groupes d'action avaient découragé des annonceurs à y poster leurs publicités, ce qui n'était pas du tout au goût du site de réseautage social.

Les entreprises de l'internet sont tenues, elles aussi, de respecter la loi, qu'elle porte sur le respect de la vie privée ou l'anti-discrimination. Et il est donc possible de les y obliger. Le tout, c'est de disposer des bons instruments et d'une dose suffisante de volonté politique.

Patrick Charlier
Directeur adjoint

Jozef De Witte
Directeur


Cette carte blanche est parue aujourd'hui dans Le Soir.

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