La recette pour une police exemplaire existe et est déjà connue
Pour Unia, l’actualité récente (la mort tragique de monsieur Jozef Chovanec, le groupe de discussion sur Facebook "Thin Blue Line Belgium", …), est en phase avec les nombreux signalements qui nous sont parvenus ces derniers mois, souvent en lien avec des interventions de la police perçues comme discriminatoires, ciblées, excessives dans l’application des mesures sanitaires. Ces événements démontrent une fois de plus les difficultés récurrentes auxquelles la police est confrontée pour faire face à la dimension structurelle du racisme et de l’intolérance.
Cette question n’est pas singulière à la police. De nombreuses études ou recherches démontrent, chiffres à l’appui, que dans le monde professionnel, dans le secteur du logement, dans l’enseignement, dans la santé, dans le secteur de la culture, les inégalités qui affectent les groupes minoritaires se reproduisent et se perpétuent. Cependant l’action de la police est particulièrement sensible. Ses missions impliquent des contacts quotidiens avec la population, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, de toutes origines, de toutes religions. Et si son intervention est illégitime ou discriminatoire, qu’elle soit perçue comme telle ou qu’elle le soit réellement, les choses peuvent très vite déraper. Et c’est l’ensemble de notre société qui encaisse.
Plusieurs questions s’imposent
Combien de fois devrons-nous rappeler le rôle essentiel de la hiérarchie ? La nécessité d’un positionnement et d’actions claires, sans ambiguïté, sans complaisance ?
Combien de fois devrons-nous rappeler l’intérêt d’une police orientée vers la communauté pour faire société avec et pour la population et non contre elle ?
Combien de fois devrons-nous rappeler que les actes discriminatoires, que les comportements racistes ou intolérants doivent être poursuivis tant sur un plan disciplinaire que judicaire pour les cas les plus graves ?
Combien de fois devrons-nous rappeler que reconnaître la réalité du profilage ethnique, au lieu de la nier ou la relativiser, est la première étape pour répondre à ce défi ?
Combien de fois devrons-nous rappeler que les très nombreux policiers qui veulent faire leur travail de manière intègre, professionnelle, respectueuse sont trop souvent confrontés à une culture ou une structure qui ne les soutient pas suffisamment ?
Combien de fois devrons-nous rappeler que les policiers doivent être nos alliés dans la recherche et la poursuite d’infractions aux lois contre le racisme et les discriminations ?
Nous n’avons pas attendu
Unia n’a pas attendu les récents événements pour s’exprimer à ce sujet. Loin de là ! Depuis longtemps Unia, avec d’autres, souligne ce qu’il faut faire pour organiser nos services de police de telle façon que leur comportement soit impeccable et exempt de tout reproche :
« La hiérarchie doit adopter une position claire, tant en interne qu’en externe, sur le refus de toute complaisance par rapport aux abus ou comportements discriminatoires », peut-on lire dans notre position paper ‘sélectivité policière’ de juillet 2020. « Elle doit être claire sur les procédures à engager à l’encontre de tout policier qui commettrait ces actes répréhensibles. »
« Lorsque des agents de police dépassent les bornes, cela sape tous les efforts visant à mettre en place une police qui place tout le monde sur un pied d'égalité », signale notre communiqué du 23 juin 2020 publié à l’occasion de la condamnation de policiers pour mauvais traitements à l’encontre de migrants et d’un homosexuel.
Le profilage ethnique est une réalité
« Il est nécessaire de reconnaître la réalité du profilage ethnique et d’y accorder un intérêt suffisant dans les formations (de base et continues) de la police ». « Unia recommande de reconnaître clairement que le profilage ethnique existe. Il doit également retenir davantage l’attention dans les formations et les exercices. » Un appel adressé lors d’une audition à la Commission de l’intérieur, le 19 février 2019.
« Le profilage ethnique nuit à la légitimité de la police et ne contribue en rien à l’efficacité de son action », peut-on lire dans notre rapport annuel 2019. « Il peut avoir de profondes répercussions sur la vie privée des personnes contrôlées et avoir pour effet qu’elles s’isolent de la société. »
Investir dans des formations
Et notre rapport relatif à la convention avec la police fédérale de 2017 constatait : « Les objectifs ambitieux de la formation du cadre hiérarchique sur les questions de diversité et de discrimination n’ont malheureusement pas pu être atteints : l’ensemble des formations planifiées ont dû être annulées faute d’inscriptions suffisantes »
Le même rapport datant de 2015 établissait : « Les constats formulés dans les différents rapports annuels et les témoignages qui nous sont rapportés lors des formations mettent régulièrement en avant la difficulté de la hiérarchie à se positionner clairement sur les questions liées au management de l’intégrité, en ce compris de la diversité. Pour le personnel hiérarchique, le défi est d’être perçu comme « un moral manager » : l’exemplarité dont ils doivent savoir faire preuve inclut la capacité à agir de façon morale dans les actes quotidiens ; mais aussi la capacité à travailler une identité professionnelle commune, à créer un espace de négociation, à valoriser les comportements intègres et à punir fermement ceux qui ne le sont pas. »
Investir dans les compétences éthiques
En 2014 nous disions déjà : « Par ailleurs, les connaissances, les savoir-faire et les attitudes pour intervenir contre les discriminations, les délits de haine et le racisme continuent souvent de faire défaut dans la police, alors même qu’elle exerce une fonction cruciale sur le sujet, en tant que gardien de la loi. Dans une culture de corps où la collégialité n’est pas un vain mot, il n’est pas toujours évident non plus de faire preuve de l’autonomie et du courage moral nécessaires pour réagir aux propos racistes ou aux actes discriminatoires de collègues. Il faut donc sans doute continuer à investir dans le domaine de la sensibilité morale et des compétences éthiques. »
Ce n’est pas nouveau puisque le rapport 2012 regrettait : « Tout comme l’an dernier, nous observons que certains participants ne remettent pas en cause les discriminations, aussi bien en interne qu’en externe. »
L’actualité nous montre qu’il y a encore du chemin à faire. Unia met à disposition son expérience et ses connaissances pour appuyer les services de police qui veulent renforcer leur diversité interne et améliorer leur fonctionnement.
Cette opinion a été publiée sur le site de la RTBF, le 7 septembre 2020.
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