L’affaire Achbita devra être rejugée
L'affaire Achbita doit être rejugée. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour du travail d'Anvers parce qu'elle n'avait pas suffisamment examiné si le licenciement de Mme Achbita était discriminatoire.
« La Cour de cassation a suivi un de nos arguments. A nos yeux, la Cour du travail d’Anvers n’avait pas suffisamment vérifié le côté discriminatoire de ce licenciement. Nous souhaitons une jurisprudence claire pour savoir dans quels cas les sociétés commerciales peuvent interdire le port du voile en raison d'une politique de neutralité », a réagi Patrick Charlier, directeur d’Unia.
La Cour de cassation estime que les arguments de la Cour du travail pour justifier le licenciement sont illégaux. La Cour du travail d'Anvers avait soutenu que la société G4S n'avait pas commis d'erreur ; à ses yeux un employeur, même prudent, ne peut pas savoir si une politique de neutralité est en violation de la loi antidiscrimination. La Cour du travail avait également rappelé qu’il existait différents visions sociétales quant à l’expression des convictions religieuses au travail tout en pointant la complexité de la législation et la jurisprudence divergente en la matière.
La Cour de cassation estime qu’un juge du travail ne doit pas déterminer si un employeur est coupable de discrimination. Pour la Cour de cassation, un employeur est civilement responsable dès qu’il enfreint la loi antidiscrimination. Ainsi, la Cour du travail n'avait pas à se pencher sur les raisons de l’employeur ou s’il avait été négligeant. La Cour du travail aurait dû évaluer si la politique de neutralité de G4S pouvait se justifier en vertu de la législation antidiscrimination.
Besoin de clarification
« Parce qu'un employeur reste responsable, même s'il n'a pas l'intention d'enfreindre la loi, il est très important d’apporter une fois pour toute plus de clarté. Il est dans l’intérêt de tous de savoir sous quelles conditions un employeur peut interdire ou non les signes religieux », poursuit Patrick Charlier.
Avis de la Cour de justice de l’Union européenne
La Cour de cassation avait demandé un avis à la Cour de justice européenne dans cette affaire. Pour rappel, elle avait estimé que la politique de neutralité de G4S constituait une distinction indirecte fondée sur la religion, ce qui offre une certaine marge de justification à l’employeur. La Cour européenne estime que la volonté de poursuivre une image de marque neutre vis-à-vis de la clientèle fait partie de la liberté d’entreprise.
Cependant, toujours selon la Cour européenne, l'entreprise doit avoir une politique de neutralité cohérente et systématique appliquée de la même manière à tous les employés, peu importe les convictions religieuses ou philosophiques. Une interdiction de donner expression aux signes convictionnels doit être limité aux employés qui ont un contact visuel avec des clients ou des personnes extérieures à l’entreprise. En outre, un employeur doit chercher des mesures moins radicales qu’un licenciement et doit dans un premier temps proposer des mesures alternatives pour autant que cela soit possible dans l’organisation du travail et que cela n’implique pas des coûts supplémentaires.
Et maintenant ?
L’affaire doit à présent retourner devant la Cour du travail de Gand qui devra tenir compte des conclusions de la Cour de cassation et de la Cour de justice européenne.
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L'arrêt de la Cour d'appel de Gand du 12 octobre 2020
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