‘Les familles hétéros et homos : inégales devant la loi’
Le Centre demande que les couples lesbiens obtiennent de façon rapide et efficace un lien juridique à part entière avec leur enfant
En Belgique, depuis 2003, les couples de même sexe ont le droit de se marier et, depuis 2006, d’adopter des enfants. Notre pays est un des précurseurs en matière de droits des personnes homosexuelles. « Il est par conséquent étonnant de constater qu’à l’heure actuelle, une co-mère doit toujours adopter son enfant pour qu’il existe un lien juridique entre elle et lui », estime Patrick Charlier, directeur adjoint du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme.
Qu'est-ce que cela signifie ? Prenons l’exemple de Jasmina et Jo. Suite à leur mariage, les deux femmes qui souhaitent avoir un enfant se rendent dans un centre de fertilité. Jasmina donne naissance à Sacha. Mais quelques jours plus tard, c’est la douche froide pour Jo. Lorsqu’elle se rend à la commune pour y déclarer la naissance de l’enfant, on lui annonce que seule la mère légale peut faire cette déclaration et que, aux yeux de la loi, seule Jasmina possède cette qualité. Jo peut devenir le deuxième parent légal de Sacha, mais une procédure d'adoption est l’unique moyen pour ce faire, ce qui représente du temps et de l’argent. Tant que l'adoption n’est pas effective, Sacha n’a donc légalement qu’un seul parent : Jasmina. Si Jasmina et Jo venaient à se séparer avant que la procédure d’adoption n’ait abouti, Jo pourrait rencontrer des difficultés juridiques pour obtenir le droit de voir son enfant et, de son côté, Jasmina pourrait en rencontrer également pour obtenir de son ex-épouse une pension alimentaire pour Sacha. Une autre conséquence est qu’en cas de décès de Jo, Sacha n’hériterait pas automatiquement et qu’en cas de décès de Jasmina, il ne va pas de soi que Jo puisse continuer à élever Sacha.
« Ces problèmes sont loin d’être négligeables », note Patrick Charlier. « Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’en 2012, la Cour constitutionnelle se soit prononcée à deux reprises dans des affaires où il était question d’adoption par une co-mère après la séparation du couple. »
« Il y a des femmes qui n’entament aucune procédure d'adoption, tout simplement parce qu’elles ignorent cette démarche ou parce que la durée et les coûts constituent un obstacle pour elles. Dans ce cas, l’enfant n'a qu'un seul parent légal, avec toutes les conséquences que cela engendre. »
Dans l’accord du gouvernement, il est stipulé que les inégalités en ce qui concerne la parentalité de couples de même sexe seront supprimées par le gouvernement. Mais le projet de loi de la ministre de la Justice n'a pas abouti. Au Parlement et au Sénat, de nouvelles propositions de loi ont été déposées ou vont l’être. « Le Centre demande donc que les couples lesbiens mariés et non mariés puissent obtenir de façon rapide et efficace un lien juridique à part entière avec leur enfant, comme c’est le cas pour les couples hétérosexuels. »
A côté de la question de l’adoption par les co-mères s’en posent encore d’autres : celle de l'adoption à l’étranger, extrêmement difficile pour les couples homosexuels, et celle du cadre juridique inexistant pour la mère porteuse. Malgré l'égalité juridique en matière de mariage et d'adoption, fonder une famille lorsqu’on est homosexuel reste donc compliqué.
Photo : France Dubois
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