[Opinion] EVRAS: chaque jeune a droit à un environnement scolaire sûr et à une éducation sexuelle

27 Octobre 2023
Domaine d'action: Enseignement
Critère de discrimination: Orientation sexuelle

Unia, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) et le Délégué général aux droits de l’enfant (DGDE) lancent un cri d’alarme quant aux risques de la désinformation liée à l'EVRAS.

Pendant plusieurs semaines, les protestations contre l’EVRAS ont pris des formes alarmantes : insultes et discours de haine sur des pancartes et sur les réseaux sociaux, campagnes de désinformation, actes de vandalisme… Pourquoi les résistances contre ces deux séances - deux fois deux heures sur l’ensemble de la scolarité ! - d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, rendues désormais obligatoires en sixième primaire et quatrième secondaire dans les écoles francophones, prennent-elles des formes si clivantes, haineuses et violentes ?  

Ces protestations s’ancrent dans un conglomérat de rumeurs, de théories pseudo-scientifiques, de stéréotypes et de propos alarmistes, partagés avec empressement sur les réseaux sociaux. 

Unia, l’IEFH et le DGDE lancent un cri d’alarme quant aux risques de cette désinformation. Elle impacte non seulement la communauté LGBTI+, mais aussi les femmes.  

Le fléau des discours de haine sur les réseaux sociaux 

Il y a encore quelques années, les discours de haine sur les réseaux sociaux étaient l'affaire de quelques internautes virulents et presque toujours anonymes. Cette époque est révolue. Désormais, des commentaires racistes, homophobes, antimusulmans, sexistes ou encore transphobes sont ouvertement partagés et likés. Leurs auteurs estiment qu’ils peuvent répandre la haine en toute impunité sur les réseaux sociaux. 

Unia, l’IEFH et le DGDE déplorent que les discours de haine sous forme écrite ne soient presque jamais poursuivis. En effet, cette infraction est considérée comme un délit de presse et ne peut donc être jugée que par la Cour d'assises, ce qui, dans la pratique, se produit rarement en raison de la charge organisationnelle d’un tel procès.  

Unia, l’IEFH et le DGDE appellent à nouveau le législateur à modifier l'article 150 de la Constitution afin que ces commentaires haineux considérés comme « délits de presse » motivés par le sexisme, l’homophobie, la transphobie, … soient jugés par un tribunal correctionnel, comme c'est déjà le cas pour les écrits racistes et xénophobes à caractère haineux depuis 1999. 

La haine par les mots, la haine dans les faits   

Cet appel est d’autant plus urgent que l’impact de ces discours haineux sur les réseaux sociaux ne s’arrête pas au monde virtuel. La recherche scientifique montre que les discours de haine mènent à des délits de haine. Les protestations contre l’EVRAS ont d’ailleurs donné lieu à des incendies volontaires et des actes de vandalisme dans certaines écoles. 

En 2022, Unia a ouvert 137 dossiers sur l'orientation sexuelle. Il est frappant de constater que, par rapport aux autres dossiers, la majorité d'entre eux concernent des discours de haine (42 %) et des délits de haine (39 %). En ce qui concerne les délits de haine, près de la moitié des cas impliquent des coups et blessures. Parfois, les actes ont une issue fatale, comme dans le cas du jeune Ihsane Jarfi ou plus récemment, celui de David Polfliet, assassiné par de prétendus "chasseurs de pédophiles" en 2021. L’amalgame - aussi infondé que dangereux - entre homosexualité et pédophilie est un autre exemple de désinformation qui circule sur les réseaux sociaux. 

La même année, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a comptabilisé 556 dossiers relatifs à de la discrimination de genre et/ou du harcèlement (loi Genre) et 56 signalements relatifs à la loi Sexisme. Ces dossiers, bien que ne représentant que la partie visible de l’iceberg, illustrent l’importance du combat pour l’égalité de genre qui fait l’objet de résistances et de désinformation de la part des détracteurs de l’EVRAS sur les réseaux sociaux. 

Une attaque structurée vis-à-vis des droits humains  

Certains des discours rabâchés dans les tracts et sur les réseaux sociaux sont orchestrés par des groupes de pression ultra-conservateurs basés hors de Belgique. L’opposition à l'éducation à la vie affective et sexuelle à l’école, l’amalgame entre homosexualité et pédophilie, la haine vis-à-vis des personnes trans, la remise en cause du droit de la femme à disposer de son corps ou encore les campagnes contre la « théorie du genre » et « l’idéologie woke » ne constituent que quelques exemples de l’offensive à l’encontre des droits des communautés LGBTI+, des droits des femmes, et plus généralement, de l’ensemble des droits humains. 

L’IEFH, Unia et le DGDE s’inquiètent de la montée en puissance de ces attaques qui, par leur portée systémique, constituent une véritable guerre idéologique remettant en question les fondements de la société belge.  

L’EVRAS est une opportunité de dialogue 

La polarisation autour de l’EVRAS ne fait qu’alimenter l'incompréhension et la violence. Unia, l’IEFH et le DGDE appellent l’ensemble des parties à renouer le dialogue autour d’informations exactes. L’EVRAS constitue une opportunité d'informer et de sensibiliser les jeunes sur des questions qu’ils se posent à propos de leur vie affective et sexuelle, d'une manière correcte et sereine.  

Face aux représentations souvent erronées et dégradantes de la sexualité auxquelles les jeunes peuvent être exposés sur internet, il est crucial de les éduquer dans le cadre de leur scolarité à la valeur des relations affectives et sexuelles basées sur le consentement et le respect de soi et des autres. 

Notre pays s’y est d’ailleurs engagé lorsqu’il a signé et ratifié la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, qui garantit le droit à l’éducation, à la santé et au développement de tous les mineurs d’âge. Le fléau du harcèlement scolaire impacte notamment les filles et les jeunes qui sont en questionnement sur des sujets qui concernent leur vie affective ou intime, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. L’école est donc bien le lieu où des initiatives comme l’EVRAS peuvent avoir un impact positif immédiat pour tous les jeunes en général, et ceux-là en particulier. Et à terme renforcer la compréhension mutuelle, l'inclusion et la tolérance dans la société.