Un premier état des lieux complet de la discrimination dans le logement en Belgique

20 Février 2014
Domaine d'action: Logement
Critère de discrimination: Racisme

Le Centre présente son 'Baromètre de la diversité Logement'

Le droit à un logement décent est inscrit dans la Constitution. La politique du logement reste pourtant confrontée à de nombreux écueils : offre publique insuffisante, coût du logement privé, insalubrité, contexte de crise économique, manque de logements adaptés, etc. A cela s’ajoute la question de la discrimination. En 2013, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a ouvert plus de 115 dossiers basés sur des signalements individuels de discrimination dans le logement. C’est le secteur pour lequel il est le plus sollicité juste après l’emploi, les médias (internet) et l’enseignement.

Dans le cadre de son projet  « Baromètre de la diversité », le Centre a initié, en collaboration avec la ministre fédérale pour l’égalité des chances, les trois ministres régionaux en charge du logement et l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, un programme de recherche réalisé par deux consortiums universitaires qui tend à évaluer l’ampleur et les formes de la discrimination dans le secteur du logement tant public que privé.

En matière de logement public, il en ressort que les efforts doivent essentiellement viser l’augmentation de l’offre et la simplification ou la rationalisation de celle-ci. En effet, le patrimoine de logements publics en Belgique est réparti entre un nombre important d’acteurs institutionnels et la couverture territoriale est incomplète et inégale. « Le manque de logements sociaux augmente la vulnérabilité de certains ménages déjà exposés à la méfiance de bailleurs privés »,  souligne Patrick Charlier, directeur adjoint du Centre. En Wallonie et en Flandre, pour satisfaire la demande en logements sociaux, respectivement 38% et 63% du parc de logements existant, actuellement entièrement occupé, devrait pouvoir se libérer. A Bruxelles, le chiffre avoisine les 100%, ce qui signifie que la capacité devrait être doublée pour satisfaire l’entièreté des demandes. Le Baromètre note également que les systèmes d’attribution des logements doivent être harmonisés et que l’information doit être améliorée, tout en se donnant les moyens de répondre aux situations sociales les plus critiques.

« En ce qui concerne le logement privé, les résultats du Baromètre montrent que les personnes d’origine étrangère et celles qui bénéficient  d’ allocations sociales ou qui disposent de revenus modestes sont particulièrement discriminées sur le marché du logement », relève Patrick Charlier. « Les chercheurs ont constaté que les propriétaires et les agents immobiliers sont désormais conscients de l’interdiction de discriminer sur la base de certains critères (surtout ceux liés à l’origine). Certains ont dès lors adopté des stratégies d’évitement plus subtiles, ce qui a pour conséquence de complexifier la lutte contre ces phénomènes ». Les tests réalisés dans le cadre de cette étude montrent que ces stratégies visent le plus souvent des personnes d'origine étrangère, les allocataires sociaux ou encore les personnes handicapées (en l’occurrence aveugles ou malvoyantes). Les candidats-tests d'origine étrangère ont ainsi été moins bien traités au cours de la visite du logement.  Au niveau des ressources, il leur était également demandé d'apporter davantage de preuves de leur solvabilité.  Les personnes aveugles ont parfois subi des tentatives de dissuasion sous forme de frais supplémentaires ou de caution, mais elles ont souvent aussi été traitées avec plus d'obligeance.

Le rapport met également en avant le rôle des agents immobiliers. Il ressort en effet des tests que de nombreux agents immobiliers donnent suite aux exigences discriminatoires de bailleurs d’écarter les « étrangers » ou les « chômeurs ». 42% d’entre eux répondent positivement à la demande d’écarter des étrangers et 61% répondent positivement à la demande d’écarter des chômeurs. Seule une partie d'entre eux refuse explicitement de coopérer dans ce sens (14% lorsque les exigences discriminatoires visent les étrangers et 7% lorsqu’elles visent les chômeurs), ce qui mérite d’être souligné dans un marché très concurrentiel. Les autres contournent la question ou diffèrent leur réponse. Il appartient donc au secteur de poursuivre ses efforts d’autorégulation et de sensibilisation. Si des initiatives positives sont entreprises depuis plusieurs années par l’Institut Professionnel des Agents Immobiliers (IPI), en collaboration avec le Centre, leur impact reste encore trop limité.

« La régionalisation des matières relevant du logement privé constitue un défi et des opportunités pour mener des politiques renouvelées. Notre vœu est que les responsables politiques s’approprient ce Baromètre et l’utilisent comme outil d’évaluation mais aussi d’orientation des politiques mises en œuvre », conclut Patrick Charlier.

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