Tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand, 12 mars 2024

12 Mars 2024
Domaine d'action: Internet
Critère de discrimination: Racisme
Arrondissement judiciaire: Flandre orientale

Le tribunal correctionnel a condamné le leader et six membres du groupe Schild & Vrienden pour incitation à la discrimination, ségrégation, haine et/ou violence ; négationnisme ; diffusion d'idées racistes et appartenance à un groupe raciste.

Date : 12 mars 2024

Instance : tribunal correctionnel de Flandre orientale, division Gand

Critère : racisme

Les faits

Le 5 septembre 2018, la VRT a diffusé un reportage sur le groupe Schild & Vrienden. Ce reportage a révélé que, dans les groupes de discussion fermés de Schild & Vrienden, de grandes quantités de matériel raciste et négationniste étaient échangées. Après une enquête judiciaire approfondie, sept prévenus ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel. Deux personnes se sont constituées partie civile en leur nom propre, aux côtés de la Liga voor Mensenrechten, de l'Université de Gand et d'Unia.

Qualification juridique

Le ministère public a poursuivi les prévenus pour les charges suivantes :  

  • DVL, JVO, WD et JG pour : Incitation à la discrimination, ségrégation, haine et/ou violence (article 20 loi antiracisme).
  • DVL, BS, JVO, YDS, AD et JG pour : Négationnisme (article 1 loi sur le négationnisme).
  • DVL pour : Vente d’armes (article 19, 1° loi sur les armes).
  • DVL, JVO, YDS, AD, WD et JG pour : Diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale (article 21 loi antiracisme).
  • DVL, BS, JVO, YDS, AD, WD et JG pour : Faire partie d’un groupement ou d’une association qui, de manière manifeste et répétée, prône la discrimination ou la ségrégation (article 22 loi antiracisme).

Décision

Toutes les charges étaient prouvées selon le tribunal correctionnel.

Incitation à la discrimination, ségrégation, haine et/ou violence

Le tribunal correctionnel a jugé que DVL, JVO, WD et JG avaient incité à la discrimination, ségrégation, haine et/ou violence par leurs messages postés dans le groupe fermé de Schild & Vrienden sur Facebook et Discord.

Le tribunal correctionnel a remarqué que la plupart des messages provenaient de DVL. Le tribunal correctionnel a déduit de l'un des messages que DVL savait très bien qu'il s'agissait de messages inadmissibles. Le tribunal correctionnel a précisé que DVL, en tant que fondateur, administrateur, leader et responsable final du groupe fermé sur Facebook et Discord, avait créé une atmosphère de fanatisme collectif qui a favorisé la diffusion des messages. Il n'a à aucun moment tenté de bloquer les messages.

Négationnisme

Le tribunal correctionnel a jugé que DVL, BS, JVO, YDS, AD et JG avaient publié des messages négationnistes dans le groupe fermé de Schild & Vrienden sur Facebook et Discord. En outre, l'enquête a montré que BS sympathisait avec l'idéologie nazie. Des images nazies et des fichiers audios ont été trouvés sur son ordinateur.

Aucun message négationniste de DVL n'a été trouvé. Cela ne change rien au fait qu'il est pénalement responsable en tant que coauteur. Le tribunal correctionnel a estimé que DVL avait apporté l'aide nécessaire à la diffusion de messages négationnistes par le biais du groupe Facebook et Discord. En outre, il a délibérément encouragé, facilité et toléré la diffusion de messages négationnistes.

Diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale

Le tribunal correctionnel a jugé que DVL, JVO, YDS, AD, WD et JG avaient diffusé dans le groupe fermé de Schild & Vrienden sur Facebook et Discord des messages fondés sur une prétendue supériorité raciale ou sur la haine raciale, dans l'intention d'inciter à la haine envers d'autres prétendues races et de justifier des politiques discriminatoires.

Le tribunal correctionnel a remarqué que DVL avait créé l'occasion et instauré une atmosphère de fanatisme collectif qui encourageait d'autres personnes à publier des messages propageant des idées fondées sur la supériorité raciale ou la haine raciale.

Faire partie d’un groupement ou d’une association qui, de manière manifeste et répétée, prône la discrimination ou la ségrégation

Selon le tribunal correctionnel, Schild & Vrienden était un groupement ou une association qui prônait de manière manifeste et répétée la discrimination ou la ségrégation en raison d'une caractéristique protégée.

DVL était le fondateur et le dirigeant effectif du groupement hiérarchisé Schild & Vrienden. Selon le tribunal, il était indéniable que DVL, BS, JVO, YDS, AD, WD et JG faisaient partie ou participaient à un groupe ou à une association qui prônait de manière manifeste et répétée la discrimination ou la ségrégation.

Vente d’armes

DVL a finalement été condamné sur la base de la loi sur les armes. Le casier judiciaire montrait que DVL avait posté des messages sur la vente de sprays au poivre.

Sanctions

DVL était l'initiateur, le fondateur, l'organisateur et le grand dirigeant de Schild & Vrienden. Il avait entraîné les autres prévenus dans son discours raciste, haineux, nazi et négationniste. Selon le tribunal correctionnel, il créait une atmosphère hostile dans la société et encourageait la violence physique et psychologique. DVL sympathisait avec l'idéologie nazie. Il voulait saper la société démocratique et y substituer son modèle de société de suprématie blanche. Selon le tribunal correctionnel, tout cela témoigne d'une attitude particulièrement dangereuse.

  • DVL a été condamné pour les différentes charges, sans l'infraction à la loi sur les armes, à un an de prison et à une amende de 16 000 euros.
  • Pour infraction à la loi sur les armes, DVL a été condamné à 10 mois d'emprisonnement (avec un sursis de 3 ans) et à une amende de 8 000 euros.
  • Enfin, DVL a été interdit, pour une durée de 10 ans, d'exercer les droits mentionnés à l'article 31, par. 1 Code pénal.

Selon le tribunal correctionnel, les autres prévenus s'étaient laissés entraîner dans les intentions et les comportements criminels de DVL et y avaient activement participé. Le tribunal correctionnel a souligné que l'histoire a montré que les suiveurs sont essentiels à l'instauration d'une société antidémocratique, autoritaire et fondée sur la suprématie de la race blanche.

  • BS a été condamné à 8 mois de prison (avec 3 ans de sursis) et à une amende de 8 000 euros.
  • JVO, AD, WD et JG ont été condamnés à 6 mois de prison (avec 3 ans de sursis) et à une amende de 8 000 € (dont 4 000 € avec 3 ans de sursis).
  • YDS s'est expressément distanciée de ce qui s'était passé, a manifesté des regrets sincères et s'est adressée directement aux parties civiles pour s'excuser. YDS a obtenu la faveur de la suspension du prononcé de la peine. Le tribunal correctionnel a imposé à YDS des conditions probatoires, dont la participation à une visite guidée à la caserne Dossin.

Parties civiles

Les deux personnes qui s'étaient portées parties civiles en leur nom propre ont obtenu des dommages et intérêts de, respectivement, 1 euro (provisoire) et 500 euros. Unia et l'Université de Gand ont reçu des dommages et intérêts de 500 euros. La Ligue des droits de l'homme s'est vu accorder des dommages et intérêts d'un montant de 1 euro.

Points d’attention

  • Selon l'un des prévenus, le tribunal correctionnel n'était pas compétent car il y aurait été question d'un délit de presse négationniste devant être jugé par la cour d'assises (article 150 de la Constitution). Le négationnisme, selon le prévenu, était lié au judaïsme et donc à la religion (qui est une caractéristique protégée non raciale). Mais le tribunal correctionnel s'est déclaré compétent car les infractions punissables à la loi sur le négationnisme étaient motivées par des considérations racistes et xénophobes.
  • Les groupes Facebook et Discord étaient des groupes fermés. Le tribunal correctionnel a estimé que ces groupes remplissaient la condition de publicité prévue à l'article 444 Code pénal, à savoir un lieu public ou un lieu non public mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s'y assembler ou de le fréquenter.
  • Les prévenus s'étaient défendus en arguant que les messages n'étaient que des « plaisanteries ». Le tribunal correctionnel a jugé que « l'humour » dont ils faisaient preuve était délibérément et systématiquement utilisé pour rendre le racisme accessible et léger. La diffusion fréquente d'humour raciste et négationniste était encouragée. Les membres étaient ainsi délibérément et progressivement convaincus de leur propre supériorité et de la nécessité de réaliser les objectifs de Schild & Vrienden par le biais de la discrimination et de la violence. 

Unia était partie à la cause.

En abrégé : Corr. Flandre orient., div. Gand, 12-3-2024 – numéro de rôle 20G001332