Un juge confirme le cumul de dommages et intérêts en cas de discrimination multiple

16 Novembre 2020
Domaine d'action: Emploi
Critère de discrimination: HandicapAutres critères

Le 29 septembre 2020, le tribunal du travail d'Anvers a rendu un jugement (interlocutoire) très important dans une affaire de discrimination multiple. Elle concernait une femme sourde victime de discrimination sur le marché du travail. Le juge a conclu à l’existence de trois discriminations et a confirmé que si plusieurs discriminations sont constatées, les dommages et intérêts doivent être cumulés. Ce résultat a été obtenu en collaboration avec les collègues de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH). 

Cette femme, titulaire d'un master en bio-ingénierie, a postulé pour un emploi dans une entreprise pharmaceutique. Elle a été invitée à une interview. 

Au cours de l’entretien, il est immédiatement apparu de façon claire que la dame était enceinte. Ce qui signifiait concrètement qu'en fonction de la date d'un éventuel recrutement, elle prendrait son congé de maternité quelques mois plus tard ou, en raison de son congé de maternité, ne pourrait commencer que plus tard. « La surdité est un problème, mais je veux vérifier si c'est un petit ou un grand problème », avait déclaré un collaborateur de l’entreprise. 

L’entreprise a explicitement indiqué qu'elle souhaitait d'abord vérifier si la collaboration avec la postulante était possible compte tenu de sa surdité. La dame s'est vu proposer une affectation temporaire, purement administrative. Elle a refusé cette offre du fait de ses qualifications universitaires. La procédure de candidature a été interrompue et après un silence de quelques mois, la dame a été informée que sa candidature avait été rejetée. 

La dame a contacté Unia. Nous avons nous-mêmes contacté les collègues de l'Institut pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Finalement, conjointement avec Unia et l'IEFH, la femme s'est adressée au tribunal du travail en invoquant une discrimination fondée à la fois sur le handicap et sur le sexe.   

Trois discriminations 

Le tribunal du travail a reconnu qu'il y avait discrimination multiple. Le tribunal a conclu non seulement à une discrimination fondée sur le sexe, mais aussi à une double discrimination basée sur le handicap. Tout d'abord, la postulante a fait l'objet d'une discrimination dans le cours de la procédure de candidature par l’ajout d’une condition supplémentaire. Il lui a en effet été demandé d'accepter une affectation temporaire en dessous de son niveau afin que l'entreprise puisse « s'habituer » à son handicap. Une telle condition supplémentaire n'a pas été imposée aux candidats non handicapés. Le tribunal a en outre estimé que la décision de ne pas recruter la postulante était discriminatoire, puisqu'elle était une candidate apte pour la fonction et qui aurait été recrutée sans son handicap. 

Lorsqu'une personne est victime de discrimination dans les relations de travail, la législation antidiscrimination prévoit que la victime a droit à une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire brut.  Lors de la rédaction de la loi, il n'a pas été précisé qu'il y aurait un nombre maximum de dommages et intérêts si une personne était discriminée à plusieurs reprises. 

Le tribunal du travail a désormais confirmé dans le jugement susmentionné qu'une victime de discriminations successives doit recevoir une indemnisation pour chaque discrimination. 

L'entreprise ayant discriminé le requérant à trois reprises, elle a donc été condamnée à payer des dommages et intérêts s'élevant à 18 mois de salaire brut. 

C'est la première fois qu'un tribunal belge condamne une entreprise à verser des dommages et intérêts cumulés suite à des discriminations multiples à l'encontre d'une même personne dans le cadre d'une même procédure de recrutement. 

Unia est satisfait de ce jugement car il constitue un signal fort pour les entreprises, qui doivent prendre au sérieux la discrimination sur le marché du travail. Il confirme l'un des objectifs de la législation européenne antidiscrimination : créer un effet dissuasif suffisant pour décourager la discrimination. 

L’entreprise en question a décidé d’interjeter appel.   

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