Recommandations pour la diversité au travail pour les élections de 2024

Prévenir la discrimination au travail et promouvoir la diversité, c’est l’objectif de nos recommandations liées à l’emploi à l’occasion des élections de 2024. Nous espérons qu'elles influenceront le travail des responsables politiques pendant la législature.

1. Instaurer une politique obligatoire de prévention des discriminations au travail

Rien n’oblige aujourd’hui les entreprises à réfléchir à la manière de prévenir les discriminations sur le lieu de travail. Si des plans globaux de prévention et des analyses de risques sont mis en oeuvre pour le bien-être au travail, ce n’est pas encore le cas pour les discriminations. Celles-ci restent donc en grande partie sous le radar des politiques actuelles de prévention. Un autre problème est que, dans la situation actuelle, les phases de recrutement et de licenciement ne sont pas prises en compte. Une politique obligatoire de prévention des discriminations au travail doit contraindre les entreprises à identifier les risques et révéler les principaux dangers liés à la discrimination. Des procédures de signalement doivent être prévues au niveau de l’entreprise, en ayant de préférence recours aux procédures de signalement déjà existantes. La politique de prévention peut être soutenue par les mêmes services que ceux existants en matière de bien-être au travail. L’inspection du travail doit être compétente pour verbaliser ou pour régulariser des situations si des mesures complémentaires sont prises au sein de l’entreprise. Il est préférable que cette obligation soit inscrite dans les lois fédérales antidiscrimination. Les Régions auront ensuite l’importante mission de soutenir les entreprises dans l’élaboration de cette politique de prévention. Un moyen d’y parvenir est de s’investir dans des plans de diversité en prévoyant un soutien suffisant.

Discrimination au travail: mieux vaut prévenir que guérir (unia.be)
Rapport final de la Commission d’évaluation des lois fédérales tendant à lutter contre la discrimination | Recommandation n° 62 (unia.be)
Mesures fédérales du Plan national d’action contre le racisme | Mesure n° 43 (sarahschlitz.be)

2. Renforcer l’inspection du travail dans la lutte contre les discriminations

Ces dernières années, l’inspection du travail a été dotée de compétences supplémentaires pour pouvoir lutter plus efficacement contre les discriminations. Un système de tests de situation a été introduit et, après évaluation, ajusté. Toutefois, il existe encore d’autres moyens de renforcer la position de l’inspection et toutes les régions ne se sont pas encore attelées à cette tâche.

L’inspection du travail doit pouvoir utiliser l’exploration de données (ou ‘data mining’) pour obtenir des indications objectives d’éventuelles discriminations. Cela peut se faire au moyen d’algorithmes, mais aussi plus simplement par des analyses de la composition du personnel des entreprises. Il est également important de créer une cellule d’inspecteurs chargée de contrôler, à plein temps et de manière proactive, le respect des lois antidiscrimination dans les entreprises et les organismes publics qui présentent un comportement à risque. En outre, une amende administrative devrait être prévue pour toutes les violations de l’interdiction civile de la discrimination dans les relations de travail. Enfin, la discrimination (intentionnelle) dans les relations de travail basée sur des critères autres que la prétendue race et le genre – notamment l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle, les convictions philosophiques et religieuses – doit être rendue pénalement punissable.

Concrétiser l’utilisation du datamining pour lutter contre la discrimination sur le marché du travail (unia.be)
Contrôle et surveillance par l’inspection fédérale du travail (unia.be)
Rapport final de la Commission d’évaluation des lois fédérales tendant à lutter contre la discrimination | Recommandations n° 45-49 (unia.be)

3. Faire des actions positives un véritable levier pour plus d’égalité

Les actions positives sont des mesures visant à prévenir ou à compenser les désavantages liés à l’un des critères protégés par la législation antidiscrimination de manière à pouvoir garantir l’égalité dans la pratique. Il s’agit d’un outil utile pour favoriser des publics sous-représentés sur le marché du travail. Un arrêté royal (AR) autorisant les actions positives dans le secteur privé a été adopté en 2019, mais il s’avère que le système est encore trop peu connu. Pour le secteur public, un tel AR n’existe pas encore.

Les pouvoirs publics doivent encourager et aider les partenaires sociaux à élaborer des actions positives. Ils peuvent le faire en définissant des objectifs chiffrés par secteur pour les différents publics cibles. Il est également très important de prévoir des moyens suffisants, d’accompagner les entreprises et de partager les bonnes pratiques. Les pouvoirs publics doivent aussi recourir davantage aux actions positives pour rendre leurs propres effectifs plus représentatifs de la société. Qu’il s’agisse de personnes d’origine étrangère ou de personnes en situation de handicap, il sera certainement nécessaire de fixer des objectifs chiffrés clairs et d’essayer de les atteindre, grâce entre autres à des actions positives. Il convient pour cela d’adopter un AR pour le secteur public. Les Régions doivent également jouer leur rôle en incitant les pouvoirs locaux à agir en ce sens et en créant un cadre. Une (première) étape cruciale consiste à assurer un monitoring de la diversité du personnel dans les services publics.

Rapport final de la Commission d’évaluation des lois fédérales tendant à lutter contre la discrimination | Recommandations n° 69-70 (unia.be)

4. Réaliser un monitoring régulier du personnel des services publics

Les services publics devraient être le reflet de la composition de la société qui les entoure et montrer l’exemple en termes de diversité. Pourtant, certains publics sont aujourd’hui encore nettement sous représentés au sein des administrations qu’elles soient fédérales, régionales, communautaires ou locales (personnes handicapées, personnes d’origine étrangère, personnes de 45 ans et plus…).

Unia recommande que les pouvoirs publics puissent monitorer périodiquement la composition, la position occupée et le statut de travail de leur personnel (sur les critères du genre, de l’origine, du handicap et de l’âge) et évaluer l’action et la neutralité de leurs services de recrutement (via l’autotesting). Sur la base de cette objectivation, il sera dès lors possible de prendre des mesures (plans de diversité, actions positives) visant à favoriser la diversité et le renforcement des publics actuellement sous-représentés.

Monitoring de la diversité : do it yourself ! (ediv.be)
Non à la discrimination positive dans les entreprises, mais oui aux actions positives (unia.be)

5. Soutenir le développement des plans de diversité

Les plans de diversité, dont les dispositifs d’actions positives, sont un levier important de toute politique de prévention. En région wallonne, le Forem (organisme wallon chargé de la politique de l’emploi) n’accompagne pas encore le développement de plans de diversité au sein des entreprises. En région bruxelloise, Actiris (organisme bruxellois chargé de la politique de l’emploi) offre un soutien aux entreprises souhaitant développer des plans de diversité en leur sein. Pour les administrations, les plans de diversité sont des outils primordiaux. En outre, les Régions ont également la responsabilité de transposer ce type de politique au niveau local par le biais de leur tutelle sur les pouvoirs locaux.

Unia plaide donc pour un soutien renouvelé de la Région bruxelloise au développement des plans de diversité, aussi bien au niveau du secteur privé que du secteur public bruxellois. Unia plaide également pour que la Région wallonne stimule la création de plans de diversité en créant un accompagnement spécifique des entreprises par le Forem. Ces plans devront porter une attention particulière aux groupes les plus vulnérables, dans leurs différentes déclinaisons (origine, âge, handicap, orientation sexuelle, convictions religieuses).

Signes philosophiques et religieux (unia.be)
Non à la discrimination positive dans les entreprises, mais oui aux actions positives (unia.be)

6. Développer un plan d’action visant à améliorer l’emploi des personnes en situation de handicap

Les personnes en situation de handicap occupent une place particulièrement défavorable sur le marché du travail en Belgique. Selon Statbel (Office belge de statistique), « lorsque les personnes sont fortement limitées dans leurs activités en raison d’un handicap, d’une affection ou d’une maladie de longue durée, cela a clairement un impact sur leur situation professionnelle : seules 23 % d’entre elles ont un emploi contre 65% de la population totale âgée de 15 à 64 ans ».

Unia demande aux différentes autorités régionales d’élaborer un plan d’action ambitieux pour améliorer l’emploi des personnes en situation de handicap. Celui-ci devra notamment viser le développement d’initiatives d’emploi accompagné (job coaching) pour les personnes handicapées tout au long du processus de mise à l’emploi, mais également pour le maintien de celui-ci. Il devrait également viser à garantir une meilleure accessibilité des services généralistes d’aide à l’emploi et de formations professionnelles. La coordination avec le Fédéral est également essentielle afin notamment, de lever les différents pièges à l’emploi qui demeurent actuellement. Unia invite dès lors les autorités à poursuivre les travaux de la Conférence interministérielle « Handicap » initiée en 2022.

Enquête sur les forces de travail (statbel.be)

7. Inclure structurellement des clauses antidiscrimination dans les marchés publics initiés par les autorités publiques

Le 5ème Monitoring socio-économique (2022) réalisé par le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale et Unia a, une nouvelle fois, souligné le phénomène d’ethnostratification du marché de l’emploi belge et la persistance d’une discrimination structurelle qui réduit les chances de décrocher un emploi pour les personnes d’origine étrangère ainsi que d’autres groupes cibles. Et pourtant, les pouvoirs publics à travers les nombreux marchés publics qu’ils lancent chaque année ont un pouvoir considérable pour favoriser des actions positives en matière d’emploi lors de l’exécution du contrat. Depuis des années, les marchés publics intègrent des clauses sociales, environnementales et éthiques, pourquoi désormais ne pas contraindre les entreprises qui souhaitent soumissionner à s’engager à respecter des conditions particulières en matière de non-discrimination et d’égalité des chances.

Unia recommande aux autorités publiques d’inclure structurellement une clause de non-discrimination dans les cahiers des charges de tous les marchés publics qu’elles initient. Cette clause contiendra des dispositions visant à promouvoir la prévention des discriminations (formation eDiv, formation et conseils à la hiérarchie…), la participation proportionnelle des groupes sous-représentés (actions positives) et le contrôle du respect de la législation antidiscrimination (possibilité d’un audit ou de tests).

Des marchés publics antidiscriminatoires (lechoixegalite.be)