Port du foulard dans les tribunaux : un article archaïque du Code judiciaire enfin adapté

10 Décembre 2021
Domaine d'action: Police et justice
Critère de discrimination: Convictions religieuses ou philosophiques

Malgré la condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme, certains juges exigeaient encore des femmes avec un foulard qu’elles le retirent dans les salles d’audience, sur la base d’une interprétation littérale d’un article du Code judicaire. Celui-ci vient d’être adapté. « L’article 759 a été adopté au 19e siècle, à une époque où tous les quidams portaient un chapeau ! » explique Patrick Charlier, directeur d’Unia. « Il était temps que la Belgique se plie à ses obligations et modifie cet article complètement dépassé ».

En 2018, une dame musulmane s’était adressée à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), s’étant vu refuser l’accès à l’audience d’un tribunal car elle portait un foulard. Le juge avait en effet appliqué le Code judiciaire à la lettre : celui qui assiste à l’audience doit se tenir « découvert, dans le respect et le silence ». Divers signes convictionnels étaient potentiellement concernés, de même que les couvre-chefs pour raison médicale.

La Belgique avait alors été condamnée par la CEDH, qui estimait que cette pratique contrevenait à la liberté de culte. Le ministre de la Justice de l’époque n’avait pas voulu modifier le Code judiciaire et s’était contenté d’envoyer une circulaire aux cours et tribunaux pour attirer leur attention sur la condamnation de la Belgique.

Bien avant cette procédure, Unia avait été saisi de ce type de dossiers. En 2015 déjà, il avait adressé une recommandation demandant au ministre de la Justice et au Conseil supérieur de la Justice de prendre les mesures nécessaires pour mettre un à terme à cette pratique discriminatoire, notamment par une modification de l’article problématique.

Ni la recommandation d’Unia, ni surtout la condamnation par la CEDH à Strasbourg n’avaient suffi à modifier les pratiques de certains magistrats : « Unia a continué à recevoir des signalements, essentiellement de femmes musulmanes portant le foulard » explique Patrick Charlier. « Certaines  finissaient par l’enlever de peur que leur refus ait un impact négatif dans la décision finale du juge, ce qui est inadmissible ».

Unia s’était alors adressé au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (qui veille au respect des arrêts de la CEDH) en mars 2019, pour souligner la nécessité de faire modifier l’article 759 du Code judiciaire afin que les pratiques changent réellement.

Il est désormais adapté. Unia se réjouit d’avoir pu contribuer à cette avancée pour les droits fondamentaux.

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