Port du foulard dans les tribunaux : un article archaïque du Code judiciaire enfin adapté
Malgré la condamnation de la Belgique par la Cour européenne des droits de l’Homme, certains juges exigeaient encore des femmes avec un foulard qu’elles le retirent dans les salles d’audience, sur la base d’une interprétation littérale d’un article du Code judicaire. Celui-ci vient d’être adapté. « L’article 759 a été adopté au 19e siècle, à une époque où tous les quidams portaient un chapeau ! » explique Patrick Charlier, directeur d’Unia. « Il était temps que la Belgique se plie à ses obligations et modifie cet article complètement dépassé ».
En 2018, une dame musulmane s’était adressée à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), s’étant vu refuser l’accès à l’audience d’un tribunal car elle portait un foulard. Le juge avait en effet appliqué le Code judiciaire à la lettre : celui qui assiste à l’audience doit se tenir « découvert, dans le respect et le silence ». Divers signes convictionnels étaient potentiellement concernés, de même que les couvre-chefs pour raison médicale.
La Belgique avait alors été condamnée par la CEDH, qui estimait que cette pratique contrevenait à la liberté de culte. Le ministre de la Justice de l’époque n’avait pas voulu modifier le Code judiciaire et s’était contenté d’envoyer une circulaire aux cours et tribunaux pour attirer leur attention sur la condamnation de la Belgique.
Bien avant cette procédure, Unia avait été saisi de ce type de dossiers. En 2015 déjà, il avait adressé une recommandation demandant au ministre de la Justice et au Conseil supérieur de la Justice de prendre les mesures nécessaires pour mettre un à terme à cette pratique discriminatoire, notamment par une modification de l’article problématique.
Ni la recommandation d’Unia, ni surtout la condamnation par la CEDH à Strasbourg n’avaient suffi à modifier les pratiques de certains magistrats : « Unia a continué à recevoir des signalements, essentiellement de femmes musulmanes portant le foulard » explique Patrick Charlier. « Certaines finissaient par l’enlever de peur que leur refus ait un impact négatif dans la décision finale du juge, ce qui est inadmissible ».
Unia s’était alors adressé au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (qui veille au respect des arrêts de la CEDH) en mars 2019, pour souligner la nécessité de faire modifier l’article 759 du Code judiciaire afin que les pratiques changent réellement.
Il est désormais adapté. Unia se réjouit d’avoir pu contribuer à cette avancée pour les droits fondamentaux.
En savoir plus ?
Lire aussi
- Recommandation: autorisation du port de signes religieux lors des audiences devant des juridictions belges
- Mettre fin à la discrimination indirecte de personnes qui portent un couvre-chef dans les tribunaux
- La Belgique condamnée pour son interdiction du voile dans les tribunaux
- Unia introduit un pourvoi en cassation contre un jugement qui ouvre la porte à l’exclusion arbitraire de groupes minoritaires
- Les enseignantes de religion islamique sont autorisées à porter le foulard (2021)
Articles comparables
La Belgique condamnée pour son interdiction du voile dans les tribunaux
La Belgique n’a pas respecté la Convention européenne des droits de l’Homme en interdisant à une femme portant le foulard islamique l’accès à la salle d’audience d’un tribunal, selon un jugement prononcé ce mardi par le Cour européenne des droits de l’homme.
Protéger nos libertés et garantir notre sécurité
Dans un climat de tension exacerbée, où le niveau de la menace est et reste élevé, où les injonctions explicites ou implicites exigent une vigilance particulière, singulièrement vers certains groupes, nous formulons l’hypothèse qu’une forme d’hostilité latente à l’égard des étrangers/musulmans peut se traduire par des passages à l’acte.
Unia introduit un pourvoi en cassation contre un jugement qui ouvre la porte à l’exclusion arbitraire de groupes minoritaires
Le tribunal de première instance d'Anvers a jugé en 2021 que l'ASBL Moeders voor Moeders discriminait en traitant séparément les mères dans le besoin qui portaient le foulard islamique. L'association avait fait appel. La Cour d'appel d'Anvers a jugé le 14 novembre 2022 que la législation antidiscrimination ne s'appliquait pas dans cette affaire. Unia a décidé d'introduire un pourvoi en cassation contre cet arrêt ce 2 mars 2023.
Ne pansons pas les prisons, repensons la société
Le gouvernement fédéral souhaite investir pour les soins des personnes internées en prison. Unia rappelle que cette solution ne fait que légitimer les séjours dans les annexes psychiatriques des prisons. Pourtant, ces lieux de séjour vont à l’encontre de l’objectif de réinsertion des personnes avec un trouble psychique et/ou un handicap mental.