La loi antiracisme fête ses 40 ans. Et maintenant ?

29 Juillet 2021
Domaine d'action: Tous les domaines
Critère de discrimination: Racisme

Bogdan a postulé auprès d’une société de transport de malades, mais sa candidature a pris la direction de la poubelle : l’employeur n’avait pas envie de candidats avec un nom à consonnance étrangère... Heureusement pour Bogdan, une loi punissant le racisme permet aux juges de sanctionner de tels actes.

La loi du 30 juillet 1981 « tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme et la xénophobie » fête cet été son quarantième anniversaire. Cette loi, parfois appelée « loi Moureaux », constitue la clé de voûte de la lutte contre la discrimination, les discours de haine et les délits de haine fondés sur une prétendue race, la couleur de peau, la nationalité, l’ascendance et l’origine ethnique ou nationale. 

La Belgique se conformait ainsi à des obligations internationales, comme celles figurant par exemple dans la Charte des Nations unies de 1965 sur l’interdiction de toutes les formes de discrimination raciale (afrophobie, xénophobie, antitsiganisme, islamophobie, etc.). 

Quarante ans plus tard, nous pouvons tirer quelques leçons. En 2017, Unia avait déjà formulé une série de recommandations pour faire évoluer la loi antiracisme (et la loi antidiscrimination), et la rendre plus efficace. 

Une loi nécessaire, mais pas suffisante

Dans un Etat de droit, il faut interdire, poursuivre et sanctionner certains comportements individuels répréhensibles, mais ce n’est pas suffisant pour supprimer le racisme de la société. Outre des mesures réactives au niveau individuel, des mesures structurelles proactives sont également nécessaires. 

Changer les mentalités en encourageant la diversité et l’égalité, c’est utile, mais ça ne suffira pas. 

Une action coordonnée 

Les mécanismes structurels du racisme nécessitent une approche active, comme le confirment notre expérience de terrain, les études scientifiques ou encore la société civile. 

Mais comment démanteler les mécanismes structurels de discrimination ? 

La réponse, c’est une action coordonnée à différents niveaux, raison pour laquelle Unia plaide depuis 20 ans pour la création d’un plan d’action interfédéral contre le racisme - depuis l’engagement de la Belgique à la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance de Durban en 2001 - encore un anniversaire. Un tel plan permet de contribuer à un objectif commun dans tous les domaines politiques et à un renforcement mutuel de mesures de natures différentes, qu’il s’agisse d’études scientifiques ou de mesures législatives, en passant par la formation de professionnels, le soutien aux victimes ou encore la communication et la sensibilisation. 

Depuis le début de cette année, la Conférence interministérielle interfédérale (CIM) s’attèle à la concrétisation de ce plan en Belgique. Unia a participé aux groupes de travail techniques destinés à préparer les activités de la commission. Le processus est en cours. Unia espère que le plan d’action final répondra aux attentes. 

Les villes et communes peuvent quant à elles adhérer au réseau ECCAR (European coalition of cities against Racism) afin de développer et mettre en place un plan d’action global à leur niveau. Les autorités locales qui entament une collaboration avec Unia dans le cadre du réseau ECCAR peuvent bénéficier de conseils et d’aide, par exemple pour les procédures de recrutement ou la réalisation de tests de situation sur le marché du travail ou le marché locatif. 

Les acteurs sociaux jouent eux aussi un rôle important. Ainsi, l'Union belge de football a récemment lancé un plan d’action ambitieux pour combattre le racisme sur les terrains de foot ou aux abords de ceux-ci. Outre l’engagement d’une manager pour l’inclusion, un « Diversity Board » assistera l’Union et une Chambre contre le Racisme et la Discrimination veillera à l’application de la réglementation en la matière. 

Il y a quelques semaines, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a quant à lui décidé de créer un mécanisme international, composé d’experts indépendants, pour soutenir la lutte contre le racisme. Ce mécanisme examinera les causes profondes du racisme systémique lors de l’application des lois et dans le système judiciaire. Il se penchera également sur la violence excessive, le profilage ethnique et d’autre violations des droits humains à l’encontre de personnes africaines ou d’origine africaine. 

Un racisme subtil 

De grands progrès ont été accomplis en 40 ans, depuis l'adoption de la loi antiracisme. On ne verra plus de pancartes à l’entrée d’un café, avec la mention « Interdit aux Italiens et aux chiens ». Si, de nos jours, le racisme peut encore être très violent, il est souvent subtil et moins visible. L’impact psychologique est bien présent, tout comme les effets sur le vivre ensemble.

Naima Charkaoui, politologue belge spécialiste des droits humains, l’a exprimé avec justesse dans une interview en février 2019 : « Si la société vous envoie constamment le message que vous n’en faites pas partie, que vous êtes différent, que vous êtes bizarre… ça vous touche, même si vous n’êtes pas tabassé parce que vous êtes noir. Il faut s’en rendre compte. En d’autres termes, il existe un lien étroit entre les formes violentes de racisme et ses formes plus 'légères', parfois très subtiles. » 

Bodgan et bien d’autres comptent sur nous pour continuer à combattre le racisme. C’est la mission d’Unia, mais aussi des pouvoirs publics et de la société au sens large. 

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